......
|
PARIS
23/03/2008
Franz-Josef Selig (Gurnemanz), Christopher Ventris (Parsifal) & Waltraud Meier (Kundry)
© R. Walz / Opéra National de Paris
Richard Wagner (1813-1883)
PARSIFAL
Bühnenweihfestspiel en trois actes (1882)
Livret du Compositeur
Mise en scène : Krzysztof Warlikowski
Décors et costumes : Malgorzata Szczesniak
Lumières : Felice Ross
Dramaturgie : Miron Hakenbeck
Vidéo : Denis Gueguin
Chorégraphie : Saar Magal
Styliste perruques : Robert Kupisz
Avec :
Parsifal : Christopher Ventris
Kundry : Waltraud Meier
Gurnemanz : Franz-Josef Selig
Amfortas : Alexander Marco-Buhrmester
Titurel : Victor von Halem
Klingsor : Evgueny Nikitin
Deux Chevaliers du Graal : Gunnar Gudbjörnsson, Scott Wilde
Quatre écuyers : Hye-Youn Lee, Louise Callinan, Jason Bridges, Bartolomiej Misiuda
Les Filles-fleurs : Adriana Kucerova, Valérie Condoluci, Cornela
Oncioiu, Yun-Jung Choi, Marie-Adeline Henry, Louise Callinan
La voix des cieux : Cornela Oncioiu
L’accompagnateur : Renate Jett
Choeurs et orchestre de l’Opéra National de Paris
(chef des choeurs : Winfried Maczewski)
Direction musicale : Hartmut Haenchen
Paris, Opéra Bastille, le 23 mars 2008
|
2008, l'Odyssée de Parsifal
Warlikowski reste Warlikowski. Comme dans son Iphigénie
du Palais Garnier, le metteur en scène polonais use et abuse
d’innombrables artifices théâtraux qui
s’enchaînent à une vitesse vertigineuse.
Vidéos, spatialisation des chœurs dans les galeries,
acteurs jouant des rôles muets, transpositions… Chacun de
ces éléments aurait pu constituer la base de tout un
spectacle ; ici ils s’entrechoquent rapidement. Comme si
Warlikowski avait peur de ne pas pouvoir tout dire. Mais voilà,
ces artifices qui, chez Glück, pouvaient exaspérer tant ils
obscurcissaient le propos sont parfaitement à leur place dans le
dernier opéra de Wagner. Parsifal est comme le spectacle de
Warlikowski, il fait se croiser de multiples messages essentiels dont
on ne sait lequel choisir et dont chacun d’entre eux pourrait
donner du sens à une œuvre raisonnablement profonde - ou
plutôt le spectacle de Warlikowski est comme Parsifal. Là
est toute sa réussite, associer ainsi les « deux
formes » (celle de l’œuvre et celle de la mise
en scène) au même fond, car bien sûr il y a du fond
: une direction d’acteur merveilleusement ciselée, cernant
au plus près les personnages et donnant un sens même
à leurs plus obscurs silences, des affrontements incroyables
entre Amfortas et Titurel au I, entre Kundry et Klingsor, puis entre
Kundry et Parsifal au II, et cet enfant présent tout au long du
spectacle, muet mais indispensable : c’est le graal de
Warlikowski. Il y a, enfin, cette réunion des principaux
protagonistes autour d’un repas, image finale inoubliable et plus
révélatrice que tout sur les relations entre les
personnages. Il y a, lors du prélude, un extrait de 2001, L’Odyssée de l’Espace.
Mais ici, comme dit Gurnemanz, le temps devient l’espace, et
l’Odyssée est partout, pour tous les personnages. Cette
Odyssée n’a pas pour but l’exercice de la ferveur
religieuse, mais la compréhension, vitale, de la vie, et la
réflexion sur les autres. C’est donc à une
formidable « Odyssée de Parsifal » que
nous convie la production avec une intelligence ahurissante ; un
voyage risqué, qui met en évidence la fragilité
des sociétés humaines (comme l’illustre la
projection conspuée d’Allemagne année zéro,
de Rosselini), mais un voyage essentiel. Bien sûr, le
décor ne représente pas, au I, la proximité
d’un château fort, au II, un jardin merveilleux, au III, le
pas d’une cabane dans la forêt. C’était donc
pour ça, toutes les huées qui accueillent le metteur en
scène aux saluts ?
Heureusement, il y a les chanteurs pour mettre tout le monde d’accord ! Le Titurel surpuissant de Victor von Halem, le Klingsor démoniaque et pathétique d’Evgeny Nikitin,
et l’excellente tenue de l’ensemble des seconds rôles
laissent déjà espérer un très haut niveau
musical. Confirmation avec Alexander Marco-Buhrmester,
transfiguré par la douleur et la détresse
d’Amfortas, et avec Christopher Ventris, superbement musical dans
le rôle-titre, auquel il prête des accents naïfs sans
être mièvres. Mais surtout, ovations pour Franz-Josef Selig, Gurnemanz noble de phrasé et somptueux de timbre, et triomphe, enfin, pour Waltraud Meier
: Kundry toujours sculpturale dans la séduction, animale dans
les vociférations, pétrifiante dans les aigus et
obsédée, dans le spectacle, par son reflet maudit.
C’est bel et bien l’une des plus formidables incarnations
de notre époque (qui fêtera cet été ses
vingt-cinq ans) qui nous a bouleversé une fois de plus.
Triomphent aussi les choristes (et leur chef invité, Winfried Maczewski), et les instrumentistes, qui n’ont jamais aussi bien joué ! Hartmut Haenchen, fascinant, les a transcendés. Son travail sur l’œuvre, basé sur une différence de tempo
entre la narration et les leitmotive plus
« spirituels », ne souffre pas du moindre
déséquilibre, et offre de surcroît plusieurs
moments insurpassables. Un frémissant poison sensuel est
distillé par les cordes tout au long du deuxième
acte ; la coloration des bois et des cuivres attire
l’oreille sans céder au clinquant, la ferveur grandiose de
la marche funèbre du III sait éviter la grandiloquence,
et les préludes des premier et dernier actes commençaient
dans le noir absolu… on se serait cru à Bayreuth !
|
|