A l’opposé du voyeurisme et des variations sur le thème de
l’hermaphrodite, nombre d’auteurs esquivent la question du corps et la nimbent
de mystère. Or, si les castrats ont disparu, l’opération était encore pratiquée
ces dernières années, notamment dans le traitement du cancer de la prostate et
il arrive, certes rarement, qu’elle soit prescrite chez des garçons impubères.
La médecine, même si elle n’a pas réponse à tout, peut nous en apprendre
davantage sur les effets de la castration que l’étude exhaustive des textes du
passé.
J. Rosselli, par exemple, évoque avec
circonspection les troubles attribués par la médecine classique aux castrats, il
cite même Hippocrate,
alors qu’il suffirait d’interroger endocrinologues, pédiatres, médecins de
l’adolescence, etc., pour valider certaines assertions et démonter de nombreuses
inepties.
Est-ce vraiment le malaise inspiré par la castration, la
crainte d’encourager une curiosité malsaine qui poussent tant d’historiens, de
musicographes à se retrancher derrière les contradictions, les lacunes dont
regorge la littérature des XVIIe et XVIIIe siècles ?
N’est-ce pas plutôt l’orgueil qui freine toute démarche interdisciplinaire ? A
moins qu’il ne s’agisse d’ignorance, de paresse...
La rigueur scientifique la plus élémentaire peut
aussi, à l’occasion, faire défaut aux médecins. Prenons, par exemple, la
conférence du Professeur L. Durand, intitulée : « Eunuques et Castrats : Même
destin ? ».
Comment ne pas être désappointé en lisant que les castrats «
auraient également les pieds plats et les genoux cagneux », sans autre forme de
commentaire ? Certes, l’auteur n’a jamais prétendu faire le point sur les
recherches les plus récentes dans le domaine, mais il pourrait consulter un
confrère ou livrer son opinion, même un généraliste doit en avoir une.
S’exprime-t-il en médecin ou en curieux lorsqu’il affirme que
« la gynécomastie [le développement des seins] est habituelle » ? Quelles sont
ses sources, sur quelles observations se base-t-il ? L’auteur ne donne aucune
bibliographie et il serait bien en peine d’entériner son propos. En revanche, il
ajoute que « Le castrat Salimbini [Salimbeni] a pu faire passer sans difficultés
sa compagne pour un castrat » ! Sans être médecin, mais avec un peu d’esprit
critique et un brin d’imagination, le premier venu trouverait une explication
plus vraisemblable que la ressemblance des castrats avec les femmes.
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