Dans son célèbre pamphlet contre l’opera seria,
le patricien et compositeur vénitien Benedetto Marcello consacre évidemment un
chapitre aux castrats, qu’il n’a jamais pu souffrir.
Toutefois, s’il ne ménage pas ses critiques, il réserve le meilleur de son
ironie pour les cantatrices et s’abstient, à l’image de la majorité des
Italiens, de tourner en ridicule le physique disgracieux de certains musici.
Par contre, les plus célèbres ont été
inlassablement caricaturés, surtout par Anton Maria Zanetti
(1680-1767) et William Hogarth (1697-1764), lequel s’en prend dès 1724, aux
modes venues de l’étranger dans Mascarades et opéras.
Les artistes épinglent toujours les mêmes défauts, soulignés
à outrance : une taille immense, un embonpoint qui confine à la difformité. Les
castrats semblent écraser de frêles partenaires dont certaines, il est vrai,
leur arrivent...aux cuisses !
En dehors de ces clichés, récurrents au point de
devenir monotones, les Beaux-Arts italiens reflètent, au même titre que les
lettres, le respect, l’admiration dont la plupart des Italiens honorent les
castrats. Les portraits conservés sont le plus souvent anonymes ou signés par
des artistes mineurs,
les plus célèbres étant ceux de Farinelli par Jacopo Amigoni. A l’exception d’un
étonnant vieillard, émacié, au profil anguleux et au regard mauvais, qui se
révèle être Guadagni, le créateur de l’Orfeo ed Euridice de Gluck,
les quelques portraits de castrats que nous avons conservés ressemblent à tant
d’autres, peints à la même époque, de médiocre facture : des figures souvent
ordinaires, inexpressives, rarement belles (Marchesi, Velluti). En tout cas, si
le nom des modèles ne nous était connu, rien ne permettrait d’identifier un
castrat.
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