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4 février 1925 : mort d’une passionnée

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4 février 2025
Il y a juste 100 ans disparaissait Marie Jaëll, virtuose, compositrice, pédagogue, érudite. Passionnée.

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Durant les dernières années de sa vie, Marie Jaëll, qui ne s’était plus produite en concert depuis le début du siècle, s’était remise aux études, curieuse de tout, de la physique à la botanique en passant par la physiologie et la philosophie. C’est que cette passionnée voulait tout comprendre de l’étrange alchimie qui entremêle le cerveau et le bout des doigts lorsqu’on se met au piano ou lorsqu’on fait de la musique. C’est ainsi que dans les dernières années du 19è siècle, elle s’était tournée vers la pédagogie et la recherche, écrivant une méthode qui a encore cours aujourd’hui. Le Toucher, Enseignement du piano basé sur la physiologie avait précédé une  Musique et psychophysiologie en 1896 et que suivront Les rythmes du regard et la dissociation des doigts quelques années plus tard, jusqu’à La Résonance du toucher et la topographie des pulpes en 1912.

Jouer, écrire, apprendre, comprendre et transmettre. Voici les mots de la vie de Marie Jaëll. Née Trautmann en 1846 dans un petit village du Bas-Rhin de parents férus de culture, elle vient à la musique en écoutant les chants des Tziganes qui, chaque été, font halte dans le village. Lorsqu’à l’âge de six ans, elle entend le son d’un piano, elle en demande un à ses parents. L’instrument ne la quittera plus. Enfant prodige, très précoce, il faut l’amener jusqu’à Stuttgart pour lui trouver un professeur capable de lui apprendre ce qu’elle ne sait pas déjà et elle se produit en concert à 9 ans. Le grand Ignaz Moscheles, pianiste parmi les plus renommés de sa génération, l’entend un jour à Leipzig et n’en revient pas, pas plus que la reine Victoria devant laquelle elle joue à Londres à seulement 11 ans. Marie prend des cours à Strasbourg auprès de Louis Liebe et d’Henri Herz, avant d’entrer au Conservatoire de Paris à 16 ans et de décrocher un premier prix seulement quatre mois plus tard.

Elle a 20 ans lorsqu’elle rencontre Alfred Jaëll, un pianiste virtuose comme elle, qui a 14 ans de plus, et qu’elle épouse quelques semaines après. C’est par son entremise que Marie rencontrera quelques grands noms, à commencer par Liszt, découvert en 1868 à Rome et qui deviendra un proche et exigeant ami, ou Brahms, qui parlera ainsi de « la Jaëll », à l’italienne : « Comme elles sont insipides ces jeunes pianistes qui jouent toujours les mêmes pièces de Liszt. Mais parlez-moi de la Jaëll ! Voilà une personne intelligente et spirituelle : elle se fabrique elle-même des choses pour le piano, qui sont aussi mauvaises que celles de Liszt »….

Mais en 1870, la guerre franco-prussienne traumatise Marie, qui empêche son époux de prendre la direction du Conservatoire de Leipzig et l’emmène avec elle en France, rompant avec l’Allemagne et se tournant vers la jeune génération des compositeurs français, en particulier Saint-Saëns, autre grand ami. Lors de la mort tragique d’un des fils de ce dernier, tombé accidentellement d’un balcon, elle écrira une cantate Au tombeau d’un enfant pour alto, chœur et grand orchestre créée en 1880.

C’est dans ces années qu’elle écrit de nombreuses partitions pour piano, en référence à Liszt. Mais elle se consacre également à l’orchestre, avec plusieurs œuvres concertantes ou pour les voix, comme cette superbe Légende des Ours de 1878, choisie ici pour célébrer ce centenaire.

Très tôt, Marie Jaëll parle ouvertement de la condition des femmes compositrices. « La femme partage avec l’homme dans la vie le droit de jouissance et de douleur. Pourquoi n’aurait-elle pas le droit au travail ? » écrit-elle dans son journal. Liszt lui dit sans ambages qu’un « nom d’homme sur (sa) musique et elle serait sur tous les pianos ». Marie a bien l’intention de prendre le droit qui lui serait refusé par d’autres. Elle écrit et se pose en pionnière dans ses partitions, finement orchestrées et pleines d’élan. « Quelle force, quelle richesse, quelle plénitude en moi ! Je me sens pareille à un volcan en éruption, et il doit en être ainsi ; car c’est ainsi seulement que je puis croître ! Par moment, tout est calme, puis l’inquiétude s’empare à nouveau de mon être ; et c’est comme si la tempête et l’accalmie formaient des vagues successives. Atteindrai-je jamais la mesure, l’équilibre ? Il le faut, sinon ma vie ne sera pas digne de ma mission » écrit-elle à son amie Gosswine von Berlepsch, femme de lettres autrichienne.

Secrétaire de son cher Liszt dans les dernières années de la vie du compositeur, elle jouera en concert les intégrales de Chopin puis de son ami, puis de Beethoven et de Schumann, avant de renoncer à la scène à la veille de ses 60 ans. Elle écrit ses dernières œuvres pour piano dans la foulée, audacieuses, tournées vers le futur, et qui ne lui vaudront pas toujours les compliments de son ami Saint-Saëns, à qui elle écrit un jour assez vertement : « Quel intérêt voulez-vous que j’aie à vous envoyer mes manuscrits ? Ils contiennent des idées très neuves. Si Liszt était de ce monde, elles lui auraient fait un plaisir énorme, il aurait été heureux de me dire Marchez en avant ! Je croyais que vous lui ressembliez… ». Le dernier cycle pour piano est consacrée à la Divine comédie de Dante. 18 pièces d’une grande originalité, dans lesquelles on peut aisément déceler les prémisses de la musique minimaliste, mais qui seront ignorées

Ses dernières années seront pour l’enseignement (elle sera la professeur d’Albert Schweitzer) et l’érudition, dans sa maison de Passy, quartier parisien dans le cimetière duquel elle est enterrée auprès de son mari. Une vie entière à se passionner pour celle qui, comme le disait Liszt, avait « un cerveau de philosophe et des doigts d’artiste ».

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