Alors que Baptiste Charroing prendra la direction du Théâtre Champs-Elysées à la rentrée prochaine, le tout jeune quarantenaire vient de dévoiler à la presse la programmation de sa première saison 2025-26 qui se caractérise par son ouverture et sa singularité.
- Pourriez-vous nous présenter les temps forts de votre programmation lyrique ?
Avant toute chose, je tiens à rappeler et à souligner que le Théâtre des Champs-Élysées est une Maison de la musique où se rencontre l’opéra, la danse et le concert. Concernant l’art lyrique, j’ai voulu programmer des œuvres connues des passionnés d’opéra avec des distributions prestigieuses face à des œuvres moins connues. La musique française en sera le fil rouge. Il y aura par exemple La Damnation de Faust mise en scène par Silvia Costa avec Benjamin Bernheim dans le rôle-titre tout comme Robinson Crusoé de Jacques Offenbach pour lequel se reformera le fameux tandem Minkowski/Pelly. J’ai voulu aussi que tous les répertoires soient représentés : Point d’orgue de Thierry Eschaich, couplé avec La Voix humaine, pour la musique contemporaine, tout comme La Calisto de Cavalli dirigée par Sébastien Daucé pour le baroque ou, en concert, Le Prophète pour le Grand Opéra français. Nous présenterons au total six opéras mis en scène et vingt-sept opéras ou oratorios en version de concert. Impossible de tous les citer. Les plus grands chanteurs ont répondu présent. Les amateurs d’art lyrique devraient être comblés. Le Théâtre des Champs-Élysées bénéfice probablement de la meilleure acoustique pour la voix à Paris, il serait dommage de s’en priver !
- Votre première saison met l’accent sur la jeunesse avec de nouvelles opérations à destination du jeune public. En est-il de même avec la jeune génération de chanteurs ?
Cette saison s’inscrit avant tout dans un désir de singularité et d’ouverture. Or quoi de mieux que la nouvelle génération pour incarner cette promesse ? Il n’y a rien de plus beau que de voir émerger un jeune talent, encore plus sur la scène du Théâtre des Champs-Elysées qui reste pour eux un véritablement tremplin. Cela fut le cas par exemple du jeune contre-ténor Paul-Antoine Bénos-Djian que l’on retrouvera cette année dans un des rôles principaux de La Calisto de Cavalli. Cette année, vous aurez ainsi la chance de découvrir des voix incroyables comme celle de Lauranne Oliva, Emma Fekete ou encore Viktoria Karkacheva et le ténor Lunga Eric Hallam qui m’a fait le même effet que Benjamin Bernheim la première fois que je l’ai entendu ! J’ai surtout une pensée toute particulière et émue pour Jodie Devos qui aurait dû être présente dans cette nouvelle saison et qui incarnait à la merveille cette jeune génération de chanteurs lyriques.
- Comment rendez-vous hommage à vos prédécesseurs à travers la programmation de votre première saison ?
Je souhaite faire perdurer l’ADN de cette maison qui dure depuis plus de cent dix ans maintenant. Mes prédécesseurs ont réussi à trouver l’adéquation juste entre le répertoire, le public et la fréquentation. Comme j’ai l’habitude de le dire, la bonne offre crée toujours la bonne demande. Cette saison s’inscrit donc dans la continuité avec une touche personnelle qui réside dans son identité et son ouverture au jeune public.
- Pouvez-vous nous parler de votre rapport à l’opéra ?
J’ai découvert l’opéra grâce à mon expérience d’altiste au sein d’un orchestre lors de mon adolescence. Originaire d’Orléans, je ne bénéficiais pas d’une maison d’opéra qui me permettait de découvrir les œuvres du répertoire. J’ai donc d’abord découvert l’opéra par l’aspect symphonique avec essentiellement les ouvertures lors de mon apprentissage musical. C’est lors d’une production de L’Enfant et les Sortilèges de Ravel que je suis véritablement tombé amoureux du genre et de la voix. J’ai depuis une affection toute particulière pour le lyrique léger et le répertoire français de la fin du XIXe siècle à l’après-guerre. Cela vient probablement de mon expérience au sein du Palazetto Bru Zane où j’ai officié en tant que directeur de développement. Nous voulions véritablement redonner ses lettres de noblesse au répertoire français trop longtemps oublié de Offenbach / Hervé à Yvain, en passant par Messager et Massenet. Avec toujours l’objectif de toucher le public le plus large possible à travers des productions originales aux formes variées.
- L’opéra a-t-il encore de beaux jours devant lui ?
J’en suis persuadé car malgré les problèmes économiques et sociaux que nous traversons, les salles d’opéra n’ont jamais été aussi remplies en France. Ce fut un long processus avant de retrouver les jauges de l’avant-Covid mais nous y sommes parvenus. Il faut maintenant développer l’identité à travers de nouvelles expériences que je souhaite mettre en place au sein du théâtre, mais aussi à travers une nouvelle charte graphique moderne et de son temps. Le réaménagement des espaces publics favorisera le partage de moments de sociabilité et contribuera aussi à mieux identifier le lieu. Nous ouvrirons les portes au public une heure avant chaque représentation. L’expérience doit commencer dès votre arrivée dans le théâtre et non pas seulement dans la salle, pour préparer et prolonger l’expérience du concert qui restera gravée en vous. C’est avec cette promesse que nous élargirons notre public.
Propos recueillis par Edouard Brane le 19 mars 2025