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5 questions à Felicity Lott

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Interview
31 août 2007

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Que ses fans se rassurent : Felicity Lott va bien comme le prouvent la quantité de projets évoqués pendant cette brève rencontre, entre deux trains. Des récitals en Suisse, une tournée de concerts avec Marc Minkowski, des invitations à Nancy, à Grenoble, aux Etats-Unis et un rendez-vous parisien le 12 septembre sur une étrange péniche baptisée Vaisseau fantôme.

Vous avez chanté sur toutes les scènes du monde, dans la plupart des festivals, en intérieur, en extérieur, dans des cours, des églises et bientôt sur une péniche. Quel est le lieu où vous avez préféré vous produire, celui qui réunit, selon vous, tous les avantages en terme de charme, d’acoustique, d’atmosphère ?

J’ai un faible pour Glyndebourne, car j’ai très souvent chanté dans l’ancien théâtre entre 1976 et 1990 et où j’ai en quelque sorte grandi : il s’agissait de mon « home house », je m’y sentais un peu comme chez moi. J’aime beaucoup venir chanter à Paris, où le public est particulièrement chaleureux : j’ai d’excellents souvenirs au Châtelet, avec les opérettes d’Offenbach, à l’Opéra Comique et au Théâtre des Champs-Elysées. L’accueil que je reçois dans cette ville me fait chaud au coeur. Ma participation aux 4èmes Journées romantiques, mises en place par le pianiste Maciej Pikulski est très simple : j’adore l’homme et le musicien. L’an dernier quand j’ai été malade, il s’est occupé de moi avec énormément d’attention, comme s’il s’était agi de sa mère (rires). Si j’aime les gens, je suis capable de les suivre jusqu’au bout du monde : je suis d’ailleurs allée jusqu’au Brésil avec Maciej. Je l’ai rencontré lorsque je chantais en duo avec José van Dam. Il est unique, simple, généreux et son festival lui ressemble. Chanter avec lui est un régal.

Le récital fait depuis longtemps partie intégrante de votre vie d’artiste : vous vous y consacrez même de plus en plus. Comment évite-t-on la répétition, comment lutte-t-on contre la lassitude, pour étonner et s’étonner, se renouveler après avoir donné tant de programmes devant tant de publics différents ?

Je ne cesse jamais d’apprendre de nouvelles mélodies, d’aller à la recherche de morceaux inédits. J’achète pour cela des tas de partitions, des opérettes, de la musique française, mais également des chansons, des pages légères. Avant d’être chanteuse j’écoutais en boucle des musicals comme « The sound of music », « Oklahoma », « South Pacific », ainsi que la musique de Stephen Sondheim qui est superbe et peu connue chez vous. Et puis je ressens aujourd’hui le désir d’oser chanter ce que je me suis jusqu’ici interdit. C’est très plaisant!

La mode des duos semble à nouveau au goût du jour. Pour vous qui pratiquez fréquemment cet exercice avec Ann Murray, Thomas Allen, ou Angelika Kirschchlager, quels sont les éléments indispensables à la réussite d’un bon « couple » musical ? 

Il faut avoir de l’estime, être capable de partager son intimité, son esprit avec son partenaire. Avec Thomas Allen les choses sont très faciles, car nous avons énormément travaillé sur scène ensemble (Les Noces de Figaro, Don Giovanni, La Veuve Joyeuse, Die Fleldermaus) ; lui aussi adore les musicals, voilà un point commun et c’est un comédien exceptionnel. Nous entretenons un rapport spécial, car nous ne sommes pas à proprement parlé des amis proches, mais il suffit que nous nous retrouvions sur un plateau pour que notre complicité resurgisse. Nous avons également un sens de l’humour très prononcé, ce qui est très important pour moi. Je travaille depuis longtemps avec Ann et ce qui est étonnant, c’est que nous sommes vraiment différentes : elle est très organisée, excellente pédagogue, très consciencieuse avec ses élèves, ce que je ne suis pas et pourtant il se passe quelque chose entre nous. Nos voix se marient très bien ensemble, même si elle vous dirait que ce sont toujours les mezzos qui doivent écouter les sopranos (rires) et nous éprouvons ce besoin de respecter ce que le compositeur a écrit. Angelika est adorable, drôle et chaleureuse ; j’espère que nous aurons l’occasion de nous retrouver dans le futur.

Vous venez d’incarner une nouvelle héroïne aux côtés du metteur en scène Laurent Pelly, cette femme de La voix humaine de Poulenc, après avoir triomphé dans La Belle Hélène et La Grande Duchesse de Gérolstein. Comment expliquez-vous qu’il ait à ce point réussi à mettre en valeur vos talents de comédienne, que ce soit dans la fantaisie ou le drame ?

Je pense qu’à son contact je me suis permis d’oser : encore ce verbe, décidément. J’ai été tellement surprise par le succès rencontré par cette Belle Hélène, qui était au départ une idée de mon agent Jean-Marie Poilvé, aujourd’hui disparu et de Jean-Pierre Brossmann. Quand je me suis retrouvée en répétition avec cette troupe réunie autour de Laurent, qui savait tout faire, chanter, danser, jouer la comédie, je me suis demandée ce que je faisais là, à mon âge. Mais Laurent m’a donné une telle confiance, que je me suis laissée guider ; nous avons sympathisé et nous nous sommes trouvés des points communs. C’est rare de rencontrer quelqu’un comme lui. J’ai eu la chance de travailler avec John Cox à mes débuts à Glyndebourne : les productions de Zauberflöte, Rake’s progress, Intermezzo, Rosenkavalier ont été très importantes pour moi. Peter Hall a également compté dans ma carrière, avec qui j’ai interprété un magnifique Midsummer night’s dream. Laurent avec sa sensibilité, sa manière de mettre les chanteurs en valeur, ses idées, son esprit, m’a beaucoup apporté. Pourvu que ça dure ! En décembre, à Bruxelles je dois le retrouver, cette fois pour un récital mis en scène : ce sera une première, pleine de surprises, je suppose.

Contre toute attente vous venez d’enregistrer avec le Quatuor Schumann un album qui comprend les Wesendonk lieder et « la Mort d’Isolde » de Wagner. Qui est à l’origine de ce programme et est-ce que cela signifie que vous avez décidé de repousser certaines limites que vous vous étiez peut être imposées dans votre carrière ?

F.L : Oui, sans doute. C’est aussi, comme souvent avec moi, le hasard. J’ai souvent chanté avec Armin Jordan et l’Orchestre de la Suisse Romande, dont le violoncelliste fait partie du Quatuor Schumann. François Guy m’a un jour suggéré de chanter « la mort d’Isolde », car ils jouaient fréquemment le prélude de Tristan. J’ai d’abord refusé, puis j’ai regardé la partition et me suis décidé. Je me demande si je pourrais le faire, accompagnée par un orchestre complet ? En tout cas, pas tout le rôle (rires) ! Surtout après avoir entendu Nina Stemme cet été à Glyndebourne : elle est extraordinaire. Mon Dieu, quelle voix. J’étais très impressionnée, d’autant qu’elle devait rester immobile pendant de longues minutes, puis se relever et chanter. Je craignais également de me mesurer à nouveau aux Nuits d’été de Berlioz, un cycle vocalement très difficile, composé à l’origine pour plusieurs voix. Je ne voulais pas changer les tonalités pour conserver les caractéristiques propres à chaque mélodie, c’est pourquoi je chante « Le Spectre de la rose » dans la version pour voix grave, alors qu’il a été écrit d’abord pour voix haute et piano, puis orchestré par Berlioz dans la tessiture que nous connaissons. Là encore j’ai pris la décision de m’y remettre sérieusement, en compagnie de Marc Minkowski et je m’en réjouis.

Propos recueillis à Paris par François Lesueur

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