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5 questions à François Piolino

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Interview
2 avril 2008

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Elève de Guy Flechter, le ténor François Piolino débute une carrière baroque avec William Christie aux Arts Florissants, puis élargit sa sphère lyrique à de nombreux autres répertoires, de Mozart à Zemlinsky, d’Offenbach à Tchaikovsky ou Massenet. Parmi ses rôles marquants, avant tout un Monostatos exemplaire, mais aussi des prestations remarquées dans les Paladins de Rameau, dans Der König Kandaule de Zemlinsky. Prochainement, on le retrouvera à Nancy dans le Midsummernight’s Dream de Britten (Flute/ Thisby), puis dans Der Vampyr de Marschner à Rennes. La clarté du timbre, la présence sur scène, l’intelligence des personnages créés, l’ont rendu de plus en plus présent dans les rôles dévolus aux ténors de caractère. Rencontre à l’Opéra de Lille de Lille à l’occasion d’un récital.

Que retenez-vous de vos deux expériences scéniques les plus récentes, Padmavati de Roussel au Châtelet (rôle de Badal) et L’Etoile de Chabrier à l’Opéra Comique et à Nîmes ?

C’était vraiment deux expériences très différentes, la première du genre très concret avec peu de solistes mais des choristes, des danseurs, des décors énormes, j’arrivai sur un cheval, il y avait même un éléphant sur scène, le tout dans un vrai et grand Bollywood ; côté Chabrier, c’était au contraire épuré, imaginaire, intimiste. L’occasion rapprochée de faire deux prestations d’esprit complètement différent.

Vous investissez en général beaucoup sur scène, vous êtes connu pour bouger, et créer de vrais personnages dramatiques. Comment travaillez-vous ces rôles ?

Je travaille surtout la musique au départ. J’ai bien sûr une idée vague du personnage, que je me forge à la lecture. Mais je préfère attendre les indications du metteur en scène pour ne pas plaquer sur son idée un contresens : si lui a une option précise, je suis ses indications, sinon c’est vrai que je suis plutôt du genre à proposer, d’autant que rares sont les metteurs en scène qui ont une idée absolument précise au départ, c’est toujours en fait une collaboration. Comme je sens, je propose. Je n’ai pas de modèle, je me m’inspire pas de telle ou telle interprétation précédente. La musique seule me guide car souvent elle complète ou même contredit le texte et c’est elle qu’il faut suivre pour la vérité du personnage. Cela dit, je n’entre jamais en opposition avec un metteur en scène, car toute expérience scénique est intéressante : par exemple quand j’ai fait la Flûte avec Wilson à l’Opéra Bastille ce n’était pas du tout mon idée des personnages, ce statisme, ces gestes codés, figés. Tout ce que je ne suis pas, j’adore bouger en chantant, mais cela m’a justement intéressé de faire autre chose que ce que j’ai fait par exemple dans les Contes d’Hoffmann à Liège avec des cabrioles les pieds en l’air dans un canapé en chantant. En fait, c’est vrai que j’aime bien ne pas m’ennuyer en scène, mais de na pas en faire trop non plus…

Vous parliez de La Flûte avec Wilson : un rôle vous poursuit, celui de Monostatos, que vous avez déjà incarné près de 65 fois selon votre propre compte. Question un : on ne se lasse pas ? Question deux : il y a une adéquation vocale, certes, mais forcément au-delà un intérêt particulier sur ce rôle ?

Aucune lassitude de ma part sur ce rôle, j’en redemande. J’aime bien les méchants, les amoureux m’ennuient ; mais justement Monostatos pour moi n’est pas un méchant, c’est une personnalité bien plus riche, un gentil incompris, un mal-aimé. Quand je le chante je marque particulièrement les moments où cela devient évident musicalement, et c’est probablement pour cela qu’on me le redemande. Et puis je n’ai pas la voix pour jouer les amoureux transis, j’ai une voix de ténor de caractère, le ténor genre Pedrillo qui va chanter les seconds plans, les méchants, les traîtres…

Et en fait ça vous arrange, parce que justement vous échappez au rôle de l’amoureux transi et un peu benêt. Vos amoureux sont d’ailleurs toujours un peu pervers, ambigus…

Oui, le double-jeu, la perversité, ça m’intéresse… et scéniquement ça me permet de faire des choses bien plus intéressantes. Par exemple dans le Songe que je fais bientôt à Nancy, je chante le rôle de Flute/ Thisby, le personnage très jeune, travesti en femme. Je ne suis pas condamné à toujours jouer sur le même registre et j’aime cela.

Le rôle de rêve pour vous, c’est quoi ?

Le rêve c’est sans aucun doute Loge de L’Or du Rhin, je le travaille depuis quelques années, j’attends… Mime éventuellement mais cela dépend un peu de l’orchestre. Mais Loge, musicalement, dramatiquement, c’est sans problème, je le sens et j’aime beaucoup ce rôle. Il m’est arrivé de refuser des rôles que l’on me proposait, parce que je sais quel est mon type de voix et ce qui lui convient, et j’en parle beaucoup avec mon professeur Guy Flechter. J’ai une émission franche, une voix claire, qui porte. Sur certains rôles, les notes peuvent aller, je pourrais le chanter, mais je n’ai pas la couleur. J’ai une voix très projetée, ce qui est un avantage, d’abord parce que je passe bien l’orchestre, et puis les mots passent aussi, le travail sur la diction que j’ai fait avec Guy Flechter a porté ses fruits, mais c’est aussi la nature de ma voix, elle est comme elle est, tout simplement. La compréhension du texte est fondamentale pour moi, surtout dans les rôles que j’interprète le plus souvent, de second plan, mais qui ont une influence souvent primordiale sur l’intrigue.

 

Propos recueillis par Sophie Roughol

 

Site de Francois Piolino

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