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5 questions à Isabelle Philippe

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Interview
28 février 2008

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C’est à Compiègne que vous avez connu vos premiers succès. Pouvez-vous nous parler de votre rencontre avec Pierre Jourdan et des collaborations qui ont suivi ?

Pierre Jourdan écoutait régulièrement des chanteurs et, ayant reçu ma demande d’audition, il m’a contactée… environ un an après ! Je lui ai chanté la grande scène d’Ophélie dans Hamlet d’Ambroise Thomas. Il a été immédiatement enthousiasmé par ma voix et mon interprétation. Il a encore écouté le deuxième air de la Reine de la Nuit pour le plaisir. A la fin de l’audition, il m’a tout de suite parlé de Dinorah qu’il avait en projet depuis longtemps, mais pour lequel il n’avait pas entendu la voix qu’il souhaitait. Et là, il lui semblait évident que ma voix était celle qu’il cherchait : il m’a alors proposé un récital d’airs d’opéras français, dans lequel je devais absolument interpréter le grand air de Dinorah. C’était une proposition de travail en même temps qu’un test : le récital, proposé par moi, revu et corrigé par Pierre, durait près de 2 heures ! Il a eu beaucoup de succès et Pierre était satisfait de la première « mouture » livrée de Dinorah. A l’issue du récital, il m’a confirmé mon engagement pour Dinorah la saison d’après et nous avons commencé les séances de pré-lecture avec l’ensemble de l’équipe retenue pour l’oeuvre.

Après cette première collaboration et le succès remporté dans la presse et les médias, Pierre m’a proposé d’autres rôles magnifiques : Haydée de Auber, Isabeau de Bavière dans le Charles VI de Halévy, Marianne dans les Caprices de Marianne de Sauguet, Zerline dans le Fra Diavolo de Auber. Il y avait quelque chose d’excitant à participer à la re-création d’oeuvres oubliées, qui nécessitaient un investissement peut-être encore plus grand que pour une oeuvre du répertoire, afin de convaincre un auditoire sans références de l’oeuvre montée. Peut-être aussi la sensation d’être plus libre quant à l’interprétation, les cadences à improviser selon la mode de l’époque, etc.

Après vous être illustrée dans un répertoire de soprano léger colorature, vous avez abordé Violetta et les trois rôles féminins des Contes d’Hoffmann. Comment définissez-vous votre voix aujourd’hui ?

Ma voix a pris une couleur plus lyrique mais je n’abandonne pas mes suraigus ! Je pense que j’évolue vers un Lyrique Colorature, mais finalement qui était déjà bien dessiné dans le répertoire compiégnois, nécessitant un medium bien coloré en plus des aigus/suraigus faciles. Plus d’un avait entendu, lors de mes prestations à Compiègne, une future Lucia ou les 3 rôles des Contes d’Hoffmann.

C’est Traviata qui a été mon premier vrai rôle lyrique colorature et qui m’a fait progresser dans plusieurs domaines :
– impossible de chanter ce rôle d’endurance sans une maîtrise continuelle de son souffle !
– style et langue qui conduisent à plus de souplesse et de rondeur pour la voix.
– recherche de plus de chaleur dans le médium.
– dramatiquement, impossible de jouer ce personnage à moitié ! Il faut s’y investir totalement !
Au total de ce « pari » pour moi, j’en suis à ma quatrième production de Traviata ! C’est le rôle que j’ai le plus chanté !

Avoir chanté Traviata ouvre naturellement les portes sur d’autres rôles jugés de même envergure. C’est ainsi que les 3 rôles des Contes d’Hoffmann m’ont été proposés. Là l’écriture vocale des trois est vraiment très différente d’un rôle à l’autre, mais la caractérisation vocale naît de la construction dramatique et amène à trouver les couleurs justes.
Je rechanterai ces trois rôles dans une autre production à Saint Céré cet été et en tournée l’année prochaine. On m’a aussi proposé Thaïs, que je chanterai à Metz en avril prochain.

Vous avez suivi la classe baroque de William Christie mais fréquentez paradoxalement assez peu ce répertoire. Quelles sont justement aujourd’hui vos orientations en matière de répertoire ? Votre fréquentation assidue du répertoire français est-elle l’effet d’un choix personnel ou d’opportunités ?

Ma rencontre avec le baroque n’a effectivement pas été une révélation. Juste une meilleure conscience d’un style et d’une époque dont je ne soupçonnais pas la complexité ! Je me suis inscrite dans cette classe par curiosité, mais je ne me suis pas sentie dans mon élément au niveau expressif. Je ferais néanmoins tout mon possible pour entrer dans cette esthétique et réussir à m’y exprimer selon ma sensibilité si je devais y défendre un rôle, mais cela serait sûrement le résultat d’un long mûrissement et avec l’aide de musiciens bienveillants!

« Choix du répertoire », « plan de carrière » : voilà des expressions dont on nous parle dans les écoles. Et puis arrive une proposition à laquelle on n’avait pas pensé, pour laquelle on n’était pas préparé : on a juste le choix de dire oui ou non ! C’est ainsi que je travaillais les Olympia, Zerbinette et Blondchen qu’on m’avait conseillé de préparer, et pourtant les premiers rôles qui m’ont été proposé furent Leila et Gilda… Visiblement les gens qui nous écoutent n’ont ni les mêmes oreilles ni les mêmes goûts en matière de choix vocal !

Je souhaite ardemment continuer à défendre le répertoire français parce que je l’aime et que je le trouve digne d’intérêt (après sélection bien sûr) et parce que, malgré tous les efforts et la bonne volonté du monde pour bien prononcer une langue, rien ne peut remplacer tout ce que véhicule malgré nous notre langue maternelle, avec toutes les émotions, les sous-textes, les différents degrés qu’elle contient dans notre inconscience même. Bien obligée d’admettre cependant que ce n’est pas une langue facile à chanter avec toutes ces nasales qui nous empoisonnent la ligne de chant !

De façon plus générale en matière de répertoire, je reste attirée par Mozart, Gluck, tout le 19e siècle tant italien que français, Strauss, Poulenc, Sauguet, Ravel, Debussy. A petite dose le répertoire contemporain à condition qu’il reste vocal, car en contrepartie de l’énorme travail d’intonations et de mémoire qu’il requiert, on y retrouve une certaine liberté de création, parfois le contact, la discussion avec le compositeur.

La province vous plébiscite, et de fervents lyricophiles se déplacent pour chacune de vos prises de rôles, mais avez-vous enfin des projets sur les premières scènes nationales ?

Je suis en contact avec le Capitole pour lequel j’ai failli faire un remplacement dans la Chauve-souris, puis qui m’a proposé un rôle dans un ouvrage contemporain mais je n’étais pas libre. Je suis actuellement retenue pour un projet à l’Opéra Comique et à Liège, mais en concurrence avec une artiste connue de façon internationale… Le problème de ce métier est qu’il dépend essentiellement de rencontres : encore faut-il qu’elles aient lieu, et au bon moment… Les conditions suivantes doivent être réunies simultanément : obtenir une audition, correspondre à un rôle à pourvoir, avoir le physique et la voix attendus ou imaginés par le directeur de théâtre. Je viens d’entrer dans une nouvelle agence, mon ex-agent ayant arrêté son activité. Peut-être un « nouveau carnet d’adresses » et le dynamisme partagé à l’occasion de cette nouvelle collaboration me permettront de nouer de nouveaux contacts et d’accéder à de nouvelles scènes!

Quelles sont vos prochaines prises de rôle , et surtout quel est le rôle que vous souhaitez que l’on vous propose ?

Mes prochaines prises de rôle seront Thaïs à Metz (les 4, 6 et 8 avril 2008), probablement Suzanne des Noces à Compiègne (à la rentrée 2008), ainsi que Sophie du Chevalier à la Rose à Limoges, en version de concert (le 5 décembre 2008).

J’attends Lucia !!! Et j’espère que cette prise de rôle se fera avec un chef qui aime vraiment cette musique et avec un metteur en scène qui sera un vrai directeur d’acteur afin de m’aider à me surpasser dans un personnage qui demande une grande créativité et disponibilité dramatique. J’espère aussi une incursion chez Puccini, Liù par exemple, et puis j’attends toujours d’autres surprises, des oeuvres disparues à redécouvrir!

 

Propos recueillis par Vincent DELOGE

Violetta dans La Traviata
mise en scène par Oliver Desbordes
à Saint Céré
(Andrea Giovannini Alfredo)
© Nelly Blaya/Festival de Saint-Céré

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