Vous êtes à Bruxelles pour chanter dans l’Alceste de Gluck, quelles sont les caractéristiques vocales de votre rôle ?
Je trouve que l’art de chanter la musique de Gluck se rapproche énormément du chant Mozartien qui est ma grande spécialité. Je dirais cependant que c’est plus dur et plus haut ! Chanter Gluck demande une grande autodiscipline et une certaine hygiène de vie, on ne l’aborde pas comme ça… mais j’aime à voir cela comme un challenge.
N’est ce pas une source de stress supplémentaire de chanter en français devant un public francophone ?
Vous savez, je chante dans six langues différentes et le français est probablement la troisième langue la plus souvent utilisée dans l’opéra après l’italien et l’allemand. D’ailleurs j’ai plus souvent l’occasion de chanter en français qu’en anglais, ma langue maternelle. Il suffit au fond de suivre les règles élémentaires de prononciation du français et d’écouter ensuite les remarques d’auditeurs francophones pour corriger la prononciation de l’un ou l’autre mot. Au fond, ce n’est pas plus dur que ça. J’ai chanté l’année passée mon premier rôle en russe – Lenski dans Eugène Onégine – et ça c’était difficile (rires), avant tout parce que c’était mon tout premier contact avec cette langue et ensuite parce que le russe est tellement spécifique, on est très loin de l’italien où « when you see it, you sing it ». Evidemment, le français a ses particularités et ses difficultés mais c’est une langue que je chante depuis assez longtemps pour ne pas trop m’en faire. Maintenant ce sera au public et à la critique de rendre sa sentence ! (rires). Soit dit en passant, j’aime beaucoup chanter en français ; j’ai eu l’occasion d’aborder plusieurs cycles de mélodies françaises, j’ai chanté d’autres pièces de Gluck et je suis en train d’étudier Don José de Carmen en ce moment même.
Que pensez-vous de la vision d’Alceste de Bob Wilson ?
Extraordinaire, je dirais même que c’est une vision fabuleuse et que je l’adore. Bob Wilson fait partie de ces metteurs en scène dont on serait tenté de dire – à la première approche – « mon Dieu, qu’est ce que ça veut dire ! » mais j’ai eu l’occasion de travailler avec lui, notamment à Paris dans la Flûte Enchantée et pour chacune de ses mises en scène, son conseil est le même : « laisse toi porter par la mise en scène, ne la combat pas, ne tente pas non plus de la comprendre et tu verras, son sens profond finira par couler de source » – j’avoue qu’il avait tout à fait raison ! Et je donnerais le même conseil au public : face à ce genre de mise en scène, il faut se laisser un petit quart d’heure pour oublier les soucis du quotidien et entrer dans la pièce… mais une fois dedans, quel bonheur et quelle esthétique !
En septembre vous avez chanté dans Wintermärchen de Philippe Boesmans au Liceu de Barcelone – la musique contemporaine va-t-elle prendre une plus grande place dans votre carrière ?
Qu’est ce que c’est que la musique contemporaine ? Y englobe-t-on Britten, Stravinsky ou Berg qui sont en quelque sorte déjà dans le grand répertoire ? Pour ce qui est de la création à proprement parler, je suis heureux de participer à un projet quand la musique me plaît ! Par exemple, j’ai chanté une pièce de Cogliano au Met de New-York et je n’ai pas du tout aimé. Par contre, je tiens à dire que j’ai adoré cette pièce de Philippe Boesmans qui a été extrêmement difficile à apprendre mais j’ai passé de très bons moments sur scène. L’orchestration est fantastique c’est une pièce prodigieusement écrite.
Quels sont vos principaux projets ?
Il y en a quatre qui sont très excitants : d’abord un Cosi fan Tutte au Festival de Pâques à Salzbourg avec un cast extrêmement enthousiasmant et Sir Simon Rattle à la baguette, j’ajoute à cela que ça fait maintenant six ans que je n’ai plus chanté cet opéra et que je serai ravi d’y revenir. Ensuite je chanterai une production du Retour d’Ulysse de Monteverdi à Berlin, ce sera d’ailleurs la même production que celle que vous verrez à Bruxelles en février prochain (ndlr : mise en scène de William Kentridge – Furio Zanassi et Kristina Hammerström dans les rôles principaux). Ensuite je chanterai mon premier Don José à Graz et finalement je chanterai mon tout premier Florestan l’année prochaine. Cela ne veut évidemment pas dire que je me dirige vers des rôles beaucoup plus lourds, je crois pouvoir chanter un Florestan résolument mozartien, avec des moyens qui ne sont certes pas ceux d’un Jon Vickers. Pour ce qui est de l’évolution de ma voix et des rôles que je me vois aborder dans le futur, disons que je connais mes limites et je ne pense pas aller au-delà des ténors Wagnériens comme Walther, Parsifal, Lohengrin et peut-être Erik. Mais ma grande spécialité reste et restera Mozart.
Camille De Rijck
Alceste de Gluck à La Monnaie
Première :
23 janvier 2004 – 20:00
Représentations les :
27 & 29 janvier 2004 – 20:00
3, 5, 7 & 10 février 2004 – 20:00
25 janvier 2004 & 1 février 2004 – 15:00