Une histoire d’amour entre un américain de Philadelphie et une jeune femme kazakhe d’origine chinoise relève du domaine de l’improbable. Sauf à l’opéra ! Non pas dans une version revue et corrigée de Madama Butterfly mais, sur la scène du Grand Théâtre de Bordeaux, à l’occasion d’un élixir plus enamouré que jamais. Stephen Costello alias Nemorino et Maïra Kerey, ou plutôt Adina, forment un si joli couple qu’il est difficile de résister à l’envie de mieux les connaître ; en 5 questions.
Est-ce la première fois que vous chantez en France ?
Maïra Kerey : Non, j’ai fait mes débuts à Paris en 2003 à l’Opéra Bastille dans La bohème de Puccini. J’interprétais Musetta aux côtés de Roberto Alagna. Mais c’est l’Elisir d’amore mis en scène par Omar Porras qui m’a vraiment donné l’occasion de mieux connaître la France. Après Nancy, Reims, Rennes et Caen, je découvre Bordeaux. Avec un très grand plaisir car j’apprécie beaucoup la culture française, son esprit et sa musique bien sûr.
Stephen Costello : Oui, c’est la première fois que je me produis, et même que je viens, en France. J’adore Bordeaux ; c’est vraiment une belle ville dans laquelle j’apprécie de travailler. La troupe est merveilleuse et m’apporte un grand soutien. Je pense que chanter à l’étranger, d’une manière générale, est très important pour un jeune chanteur. Plus spécialement en Italie, en France et en Allemagne.
Pourquoi avez-vous choisi d’être chanteuse/chanteur d’opéra ?
Maïra Kerey : Par amour du chant. J’ai baigné dans la musique dès l’enfance. Ma mère chantait dans des chœurs ; ma grand-mère me berçait avec des airs folkloriques. Je vais d’ailleurs lui rendre hommage prochainement en enregistrant un disque de chansons kazakhes.
Stephen Costello : J’ai voulu devenir chanteur d’opéra pour plusieurs raisons. Parce que, d’abord, c’est très complet. Vous devez étudier des périodes de l’histoire, les langues, comment fonctionne la voix, les compositeurs, etc. Vous êtes obligé d’apprendre chaque jour. Et puis, la musique ; le plaisir de se produire en public, c’est incroyable ! Sans parler des voyages, des gens que vous êtes amenés à rencontrer…
La distribution réunie pour cet Elixir d’amour brille par sa jeunesse ; l’opéra de Donizetti est-il réservé aux chanteurs de moins de 30 ans ?
Maïra Kerey : En fait, il s’agit d’une volonté de Valérie Chevalier, la conseillère artistique de l’Opéra de Nancy, qui a souhaité réunir une équipe jeune et internationale, sans doute pour que l’œuvre retrouve toute sa fraîcheur, pour mieux correspondre aussi à l’esprit impertinent de la mise en scène d’Omar Porras. Il est vrai que, de toute façon, Adina est une jeune femme. Mais attention, le rôle n’est pas pour autant celui d’une débutante. Il demande sinon de l’expérience du moins une certaine vaillance. Il ne me pose plus aujourd’hui le moindre problème vocal.
Stephen Costello : Je crois que chaque jeune ténor – quel que soit son âge d’ailleurs – devrait chanter L’elisir d’amore. Le rôle est très sain pour la voix ; il permet de conserver une bonne ligne de chant. Il développe aussi une certaine résistance car Nemorino est constamment sur scène. En fait, il peut sembler difficile si vous ne parvenez pas à vous contrôler ; il faut se maîtriser et surtout, ne pas « sur interpréter ». Je pense que le moment le plus difficile de l’opéra est « Una furtiva lagrima ». Nemorino a déjà chanté toute la soirée et il doit encore, au moment de l’aria, trouver le moyen de paraître très doux et gracieux.
Connaissiez-vous Stephen/Maïra avant de chanter ensemble à Bordeaux ?
Maïra Kerey : Non, c’est la première fois que nous nous trouvons sur la même scène. Je suis tombée sous le charme de son timbre et de sa jeunesse. Imaginez-vous, il n’a que 24 ans…
Stephen Costello : Je ne connaissais pas Maïra avant de venir à Bordeaux. Elle est géniale, très amusante. C’est une personne et une collègue merveilleuse. J’apprécierais beaucoup de travailler encore avec elle.
Quels sont vos projets pour les mois à venir ?
Maïra Kerey : Cette saison reste placée sous le signe de Donizetti avec Norina dans Don Pasquale que j’interpréterai à l’Opéra de Caen en juin 2007. Ce sera une prise de rôle. A moins que Patrizia Ciofi n’ait une défaillance auparavant ; je suis sa doublure en mai prochain au Grand Théâtre de Genève. En 2008, je chanterai Titania, l’épouse d’Obéron dans Le songe d’une nuit d’été de Benjamin Britten. Il s’agit d’une coproduction des opéras de Nancy, Caen et Toulon. Je devrais retrouver aussi la scène bordelaise avec Marguerite du Faust de Gounod, un rôle français dans une ville française. Quand je vous dis que je suis francophile !
Stephen Costello : A peine les représentations bordelaises achevées, je file à l’Opéra de Madison chanter le duc de Rigoletto. Puis j’enchaîne avec Des Grieux dans Manon de Massenet. L’année prochaine, j’interprèterai le rôle de Christian dans le nouvel opéra de David DiChiera, Cyrano, avec le Michigan Opera Theatre et l’Opera Company de Philadelphie. Je chanterai aussi mon premier Edgardo dans Lucia di Lamermoor à Fort Worth Texas aux côtés d’Elizabeth Futral. Enfin, je serai Camille de La Veuve Joyeuse à l’Opéra de Dallas. En attendant avec impatience de revenir en Europe…
Propos recueillis par Christophe Rizoud