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Kobie van Rensburg, le cap de la virilité

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Actualité
6 août 2015

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Le premier ténor de notre dossier Les perles du baroque était Richard Croft, voix solaire et lisse que l’acteur venait troubler de façon bouleversante. Avec Kobie van Rensburg, c’est tout l’inverse : le timbre est assez ingrat et l’émission rocailleuse, mais l’acteur et le musicien l’ennoblissent d’une vaillance très stylée sans jamais être simplement crâneuse.

Ce chanteur d’origine sud-africaine aime la bravade et la franchise plus que le tourment. Pourtant sa couleur assez sombre l’éloigne des démonstrations trop brillantes, elle confère à ses prestations une virilité rare, sans ignorer la demi-teinte et la délicatesse. C’est un ténor à la virilité idéale, altier et sauvage mais jamais bestial. Sa carrière fût hélas assez courte : une vingtaine d’année, dont 10 ont laissé des enregistrements, et on ne l’a que trop rarement entendu sur les grandes scènes; il semble depuis 2012 se consacrer exclusivement à la mise-en-scène. Cette perle-ci sera donc une étoile filante.

Commençons cet aperçu par Giuliano, sans doute le rôle le plus passionnant du Rodrigo du tout jeune Handel, car on y trouve toute la palette des airs pour ténor : airs guerriers, de tendresse paternelle, de rage, de sagesse… A cette variété de ton, il faut ajouter des difficultés techniques assez effrayantes qui en disent long sur le profil du créateur du rôle, Guicciardi. L’engagement volcanique, la franchise des vocalises fascinent immédiatement et la clarté d’élocution font vite oublier l’émission parfois trop nasale de van Rensburg. Ecoutez avec quelle dextérité il alterne voix quasi-parlée et vocalises dans « Stragi, morti » ou « La ti sfido » et comme il sait signaler sa tendresse dans son dernier air, le très beau et apaisant « Allor che sorge » avec ses originalités rythmiques qu’il respecte parfaitement.

Place maintenant au plus bel Oronte de la discographie : le rôle avait été créé par rien de moins que John Beard, ténor favori de Handel. Or on le confie souvent à des chanteurs pâlichons quand il s’agit du plus réaliste et néanmoins sensible des personnages de cette carte du tendre qu’est Alcina. Kobie van Rensburg prend un malin plaisir à roublardiser son moralisateur « Semplicetto ! a donna credi » sans ignorer une fine bouffonnerie (cette voyelle enflée sur « mira » et « sospira », ces « vedi » au sourire carnassier) et toujours un amour du texte qui lui fait déguster chaque syllabe. Pour « E un folle » on retrouve le fier héros handelien qui sera Lurcanio. Rensburg y dévale les vocalises semblant en demander toujours plus pour prouver sa valeur. Enfin en entendant ce « Un momento di contento » poilu et doux, à la vocalise tendre sans jamais réussir à être apaisée, on ne peut que regretter qu’il n’ait jamais enregistré les Samson, Jupiter, Hyllus ou Jephta qu’Handel écrivit pour Beard.

Cette affinité avec le répertoire de John Beard, avait été pourtant révélée dès son premier disque. Dirigé par Katschner, il était entièrement consacré à ce chanteur. Tout est ici fabuleux, et on citera pour exemple ce subtil « Gentle airs, melodious strains » d’Athalia où il sait alléger sans la déguiser sa voix ample et frontale, conférant une assertivité troublante à cette berceuse débarrassée de tout maniérisme précieux. René Jacobs lui offrit aussi un Messiah mais pas Saul, et, en concert seulement, Belshazzar et l’Alexander Feast.

René Jacobs est d’ailleurs le chef qui l’a le plus soutenu : depuis Monteverdi jusqu’à Mozart en passant par Scarlatti. Admirons à ce propos l’air de Corrado dans la Griselda de ce dernier, à la tourmente juvénile sans être adolescente, toute gorge exposée et qui semble se résoudre en fin de phrase par un usage discret de la voix mixte.

On regrettera également qu’il ait été incompréhensiblement ignoré pour Mozart. Au disque, seul un petit Basilio avec Jacobs. Quel Mitridate ou Ferrando, il aurait fait, existe-t-il seulement un live de ses Tito ou Don Ottavio, sans parler de son Idomeneo, dont seul un live à New York subsiste, mais dans lequel on ne le sent pas à l’aise. Maigres consolations chez Haydn, un très latin Ecclectico pour Il Mondo della Luna , dans lequel il a plus à jouer qu’à chanter tant la partition n’est qu’un parcours de santé pour lui, ou un Ubaldo dans Armida où il doit se contenter d’un seul air.

En entendant les opéra de Vinci récemment ressuscités, on se prend également à rêver de ce qu’il aurait fait de ces grands rôles de ténors royaux. Pour se consoler nous disposons heureusement d’un très intéressant Catone in Utica de Ferrandini, dont un extrait a été placé en exergue de cet article. On ne se lasse pas d’admirer son autorité naturelle, cette façon de dominer avec sérénité ses vocalises au vaste ambitus et un orchestre agité tel des vagues se fracassant sur un rocher.

Un dernier mot enfin sur sa contribution au repertoire du 17e Siècle, via deux opéras et des madrigaux de Monteverdi, un récital consacré à Orphée et un autre consacré aux Songs anglais, il a su mettre ses grandes qualités de récitativiste, et tout simplement d’acteur soucieux de faire sonner et résonner psychologiquement son texte, au service d’une musique que l’on a rarement entendue si vivante et incarnée.

DISCOGRAPHIE

2011
ROSSINI, Armida – Frizza (Decca DVD)

2010
HANDEL, Israel in Egypt – Dijkstra (BR Klassik)

2009
HANDEL, Rodrigo – Lopéz Banzo (Naïve)
HANDEL, Alcina – Curtis (Archiv)
BACH JS, Cantatas Vol.4 – Gardiner (SDG)

2008
MONTEVERDI, Il Ritorno d’Ulisse in patria – Christie (Dynamic DVD)

2007
HANDEL, Der Messias – Katschner (DHM)

2006
HANDEL, Messiah – Jacobs (Harmonia Mundi)
FERRANDINI, Catone in Utica – Hammer (Oehms)
Récital « Il pianto d’Orfeo” – Katschner (NCA)

2005
MONTEVERDI, L’Orfeo – Katschner (Dynamic DVD)
WAGNER, Der Fliegende Holländer – Weil (DHM)

2004
MOZART, Le Nozze di Figaro – Jacobs (Harmonia Mundi)

2003
SCARLATTI A., Griselda – Jacobs (Harmonia Mundi)

2002
MONTEVERDI, Madrigali Guerrieri ed Amorosi – Jacobs (Harmonia Mundi)

2001
Liededition Vol.1 & 2 – Fanny Hensel, Kelvin Groot (Troubadisc)
Récital “Songs of An English Cavalier” – Katschner (NCA)

2000
HANDEL, Arias for Beard – Katschner (NCA)

 

Interprétations diffusées à la radio/tv uniquement

HANDEL & MOZART, Das Alexander feast – Jacobs (Gottingen 2006)
HANDEL, Belshazzar – Creed (Hamburg 2005) & Jacobs (Beaune 2003)
HAYDN, Il Mondo della luna – Jacobs (Innsbruck 2001)
HAYDN, Armida – Hengelbrock (Schwetzingen 1999)
LEGRENZI, La Divisione del Mondo – Hengelbrock (Schwetzingen 2000)
MOZART, Idomeneo – Levine (New-York 2006)
PASCHINI, Il Martirio di Santa Agnesse – de Marchi (Innsbruck 2008)
SCARLATTI A., Penelope – Katschner (Ebenbach 2010)
TELEMANN, Brockes Passion – Jacobs (Bruxelles 2005)

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