Le Wiener Staatsoper (La Wiener Staatsoper pour les puristes, Oper étant du genre féminin en allemand) compte parmi les trois ou quatre grandes institutions lyriques dans le monde. Il accueille l’un des meilleurs orchestres dans sa fosse (le Wiener Philharmoniker) et la plupart des grandes stars du chant, tout cela plus de 300 soirées par an. La saison s’étend de tout début septembre à la fin juin et propose une cinquantaine d’œuvres (un record parmi les grandes maisons), dont six ou sept nouvelles productions (les Premieren). Une saison complète passée à Vienne permet à n’importe quel lyricomane débutant d’embrasser la plus grande partie du répertoire, au prix d’une certaine routine pour les titres les plus attendus.
Adresse : Opernring 2, 1010 Wien.
Le Staatsoper se situe sur le Ring, une série de boulevards formant un anneau circulaire autour du centre historique de Vienne. Un tour de tramway numéro 1 vous fera découvrir les grandes institutions de la capitale : la Bourse, l’Université, le Rathaus (Hôtel de Ville), le Burgtheater (le Théâtre national), le Parlement, le Kunsthistorisches Museum (Musée des Beaux-Arts), la Hofburg (Palais Impérial), le Musikverein, etc.
Institution lyrique hébergée : Wiener Staatsoper
Site Web : http://www.wiener-staatsoper.at/
Année de construction : 1861-1869, premier des grands projets du Ring.
Architectes : Augist Sicard von Sicardsburg et Eduard Van der Nüll.
Style architectural : Néo-renaissance.
Répertoire de prédilection : Grâce à un outil d’archives très performant (https://db-staatsoper.die-antwort.eu/), il est possible de remonter le fil du répertoire du Staatsoper depuis sa réouverture en 1955 et partiellement depuis son ouverture en 1869. Environ 500 œuvres s’y côtoient, parmi lesquelles on compte un certain nombre de créations sans lendemain totalisant à peine plus de dix représentations chacune. L’opéra le plus représenté est sans surprise Les Noces de Figaro (1139 représentations à ce jour), témoignant du tropisme mozartien de la maison. Les tubes Tosca, La Bohème, Traviata sont immanquablement bien placés, quoique l’on note quelques surprises dues aux faveurs historiques des Viennois : Der Rosenkavalier compte 982 représentations, Fidelio 921. Angles morts : la période baroque (seules Alcina et Alceste colorent le répertoire), le grand opéra français (malgré des centaines de représentations de L’Africaine et des Huguenots jusque dans les années 30).
Plus que les œuvres programmées, ce sont souvent les artistes qui provoquent des effusions d’enthousiasme à Vienne. Anna Netrebko, Jonas Kaufmann, bien sûr, mais aussi des chanteurs comme Edita Gruberova, Neil Shicoff ou Vesselina Kasarova, véritables stars locales. Des ovations de vingt ou trente minutes ne sont pas rares, ce qui ne manquera pas de surprendre un spectateur parisien habitué aux cinq minutes forfaitaires.
Organisé invariablement le jeudi précédant le mercredi des Cendres, le Bal de l’Opéra constitue le point d’orgue des bals organisés à Vienne de mi-janvier à mi-février. C’est l’alliance typiquement autrichienne du bon goût et du kitsch le plus absolu, et il attire l’intégralité de l’establishment viennois : ne pas en être serait une provocation.
Education : Le Staatsoper propose un éventail de programmes éducatifs : ouverture des répétitions, ateliers de danse, retransmissions offertes dans le cadre scolaire. Un théâtre pour enfants est installé sur le toit de l’Opéra, où sont représentés deux ou trois œuvres jeune public par saison. Enfin, une production de la Flûte enchantée adaptée aux enfants est proposée le lendemain du Bal de l’Opéra dans le décor même du prestigieux événement (cette saison, le 13 février).
Histoire : L’institution naît en 1810 de la séparation du Hofoperntheater (Théatre d’opéra de la cour) du Hofburgtheater, et réside d’abord au Theater am Kärtnertor, qui fermera et sera détruit un an après l’inauguration du nouvel opéra. Premier des grands projets d’édification sur le Ring, la construction du grand opéra impérial est confiée à un couple d’architectes, August Sicard von Sicardsburg et Eduard van der Nüll. L’édification de l’ouvrage est chaotique : au-delà des critiques sur le style architectural auxquelles se serait joint l’Empereur, les architectes voient le boulevard circulaire passant devant le bâtiment être relevé d’un mètre, cassant la monumentalité du projet. Qualifié de « Sadowa de l’architecture », l’ouvrage précipitera le destin des deux malheureux avant même son inauguration : l’un se suicide, l’autre meurt d’un infarctus quelques semaines plus tard.
L’Opéra connait une histoire éclatante, notamment sous la direction de Gustav Mahler (1897-1907). L’avènement du nazisme et l’Anschluss en 1938 ne menacent pas l’existence de l’Opéra mais le privent d’innombrables talents, juifs et non-juifs récalcitrants à se produire pour le régime national-socialiste. Le dernier ouvrage représenté avant la fermeture de tous les théâtres décidée par Goebbels en septembre 1944 est Le Crépuscule des Dieux, incroyable prémonition de la destruction de l’opéra par les flammes d’un bombardement américain le 12 mars 1945.
L’après-guerre est un nouvel âge d’or de l’histoire de l’interprétation lyrique à Vienne, alors qu’une partie de la ville est en ruines et que l’Opéra s’est réfugié au Theater an der Wien : se côtoient Elizabeth Schwarzkopf et Dietrich Fischer-Dieskau, Anton Dermota et Sena Jurinac, Karl Böhm et Clemens Krauss.
L’Opéra rouvre le 5 novembre 1955 avec une représentation de Fidelio dirigée par Karl Böhm, pour la première fois retransmis en direct à la télévision par l’ÖRF. Les directeurs musicaux prestigieux se succèdent depuis au pupitre du Staatsoper : Karajan de 1957 à 1964, Maazel de 1982 à 1984, Abbado de 1986 à 1991, Ozawa de 2002 à 2010.
Premier opéra représenté : Don Giovanni de Mozart le 25 mai 1869.
Créations marquantes :
- Première mondiale de Werther (Massenet) en 1892, en allemand.
- Première mondiale de Es war einmal (Zemlinsky) en 1900, sous la direction de Gustav Mahler.
- Première mondiale de la deuxième version d’Ariadne auf Naxos (Strauss) en 1916
- Première mondiale de Die Frau ohne Schatten (Richard Strauss) en 1919
- Première représentation scénique de Oedipus Rex (Stravinsky) en 1928
- Première mondiale de la version Strauss-Wallerstein de Idomeneo (Mozart) en 1931
- Première mondiale de Giuditta (Lehar) en 1934
- Première mondiale de Medea (Reimann) en 2010
Meilleures places : Le Staatsoper est un théâtre à l’italienne au plan classique doté de trois étages de loges puis deux étages d’amphithéâtres. Sont à proscrire les fonds de loges, même de face, inconfortables et à la visibilité très aléatoire. Le reste des sièges disposent d’une bonne visibilité (la salle n’est pas immense) et d’une acoustique à peu près égale, et sont à préférer en fonction des bourses de chacun.
Le meilleur rapport qualité-prix reste sans aucun doute les Stehplätze à l’orchestre, à la visibilité et l’acoustique parfaites et au prix de quatre euros.
A l’image du Metropolitan Opera de New York, chaque place est dotée d’un écran affichant les surtitres en langue allemande et anglaise. Dommage que la langue originale de l’ouvrage représenté ne soit pas proposée.
Places debout (Stehplätze) : L’Opéra de Vienne est le seul opéra à proposer autant de places debout : 567 pour 1709 places assises ! Ce sont surtout elles qui font du Staatsoper cette salle si chaleureuse et si enthousiaste.
Y accéder répond à un rituel particulièrement bien organisé. L’entrée de la caisse des Stehplätze est du côté gauche lorsque l’on vient du Ring : on ne peut pas la rater lorsque, pour les grands soirs, une longue file court sous les arcades. S’y présenter une heure et demie avant le début de la représentation est sage, au moins trois ou quatre heures si Anna Netrebko – au hasard – se produit. On y croise touristes asiatiques, jeunes passionnés et vieux fous de musique, venus avec leur chaise-trépied, et tout ce petit monde discute sympathiquement sous le regard suspicieux de l’ouvreur maître des lieux, intraitable en cas de triche ou doublement. Deux tarifs : 4 euros pour les places à l’orchestre, idéalement placées ; 3 euros pour celles aux balcons, un peu moins attractives. L’accès s’y fait sans bousculades environ 45 minutes avant le spectacle ; on marque sa place d’une écharpe nouée autour de la barre transversale, et chacun est libre d’aller boire un verre ou se restaurer avant le lever de rideau (cf. Où diner ?).
Tarifs 2014 -2015 : hormis les places debout à 3 et 4 euros, les tarifs s’échelonnent de 10 à 265 euros, dans la moyenne haute des grandes maisons mondiales. A noter, le prix très raisonnable des programmes de salle (3,50 euros pour les reprises, 4,80 euros pour les nouvelles productions).
Anecdotes : Le Staatsoper ne connait officiellement que deux jours de fermeture : le Vendredi Saint et le 24 décembre. En pratique, quelques rares soirées ne connaissent pas de lever de rideau, mais l’institution phare d’un pays encore très catholique se doit d’observer symboliquement ces deux jours de respectueuse fermeture. Autre stigmate pas très laïc : il est systématiquement proposé pour le dimanche de Pâques une représentation de Parsifal.
Chaque saison depuis 1998, le Staatsoper propose à un artiste contemporain de réaliser le décor du rideau de scène. Parmi eux, Cy Twombly, Jeff Koons ou David Hockney.
Vestiaire, bars et parties communes : Le Staatsoper dispose de grands espaces. Les deux grands foyers est et ouest du premier étage sont agréables, avec tables et canapés. Le vestiaire est obligatoire (sauf pour les loges), et le personnel rapide et efficace. Il est possible de boire un verre en extérieur grâce à une grande loggia donnant sur le Ring (en hiver, elle est protégée par une bulle de verre et chauffée).
De grands bars sont répartis dans les deux foyers est et ouest et de plus modestes sont accessibles à chaque étage. Il faut souligner – et la comparaison est sans appel avec les salles parisiennes – la grande qualité de l’offre d’encas, proposée par le grand traiteur viennois Gerstner (excellent Apfelstrudel, toutes sortes de canapés, café avant le spectacle et aux entractes). Il est possible de réserver avant le début du spectacle son casse-croûte, mis à disposition à l’entracte sur une des tables des foyers.
Tenue : Le code vestimentaire est de manière générale plus formel que dans les autres grandes salles européennes : on croise néanmoins toutes sortes de tenues, à l’exception des tenues sportives, que le personnel n’hésite pas à refouler.
S’il vous prenait de vouloir faire couleur locale en arborant le Dirndl ou les Lederhosen, sachez que vous passeriez immédiatement pour un plouc provincial : le costume traditionnel est encore tout à fait commun dans toute l’Autriche… sauf à Vienne !
Les toilettes : Nombreuses et propres.
Le bémol : Les spectateurs parisiens habitués à se replacer à l’entracte ou dès le début du spectacle apprendront ici ou sur place et à leurs dépens que cette technique bien compréhensible n’est absolument pas tolérée à Vienne. Au-delà des réprimandes des ouvreuses disposant d’un plan de salle à jour des places inoccupées, ils subiront les foudres d’un public local ne supportant pas les personnes ne sachant pas rester… à leur place.
Le dièse : Le système de réservations, simple comme bonjour : un spectacle est mis en vente exactement deux mois avant sa date ; il est possible de choisir sa place sur un plan. Au moment de créer son compte client, penser à renseigner sa date de naissance : à chaque anniversaire, il vous est proposé une invitation pour une représentation du Staatsoper ou du Burgtheater.
Accessibilité : Des places pour fauteuil roulant sont disponibles (4 à l’orchestre et 16 en gaerie) et des WC sont accessibles aux personnes handicapées. Les chiens guides d’aveugle sont autorisés.
Accès : Au centre de Vienne, l’Opéra est particulièrement bien desservi en métro et tramway. La station Karlsplatz-Oper est une véritable ville souterraine : attention à prendre une marge de sécurité pour ne pas arriver en retard.
Où dîner a proximité ? Les Viennois dînent tôt, et beaucoup se restaurent avant la représentation, ou aux entractes dans l’Opéra lui-même. Notre lectorat le plus chic pourra prendre une soupe ou un gâteau au café de l’Hôtel Imperial, à deux pas. L’ambiance feutrée est celle d’un paquebot des années 20, le service d’une très grande classe et les prix encore accessibles ; on a pu y croiser Jonas Kaufmann. De manière plus décontractée, le café Aïda situé juste en face de l’Opéra est un choix sûr. Pour un verre ou un plat après le spectacle, c’est plus compliqué, la plupart des cuisines fermant à 22h. Deux choix : la Palmenhaus, dans un jardin d’hiver de la Hofburg ; le Café Alt Wien (Bäckerstr. 9, près de la Cathédrale), pour une bière et un excellent gulasch.
Où dormir à proximité ? Hôtel Sacher ou Imperial, les deux plus grands hôtels de Vienne encadrent le Staatsoper. L’option pension familiale ou location d’appartements par internet sera moins coûteuse, et peut-être plus authentique.