Beaucoup d’appelés et seulement deux élus… Cette année encore, la rédaction de Forum Opéra a longuement débattu avant de décerner ses trophées annuels : l’Arabella de platine qui récompense l’artiste du monde lyrique le plus émérite et l’Ortrud de cristal qui, à l’inverse, anathématise la personnalité la plus irritante. En 2012, les lauréats sont…
Arabella de platine : Max Emanuel Cencic
Etoile virtuose des Wiener Sängerknaben (1987-1992) puis sopraniste (1992-1997), aujourd’hui mezzo et producteur avisé (Parnassus Arts Production), Max Emanuel Cencic aurait-il sept vies ? L’avenir seul nous dira si 2012 vient de consacrer l’apogée de sa carrière, mais elle constitue en tout cas un jalon exceptionnel que la rédaction de Forum Opéra ne pouvait que saluer. Nous devons d’abord au contre-ténor un des événements les plus excitants de la saison: la résurrection de l’Artaserse de Leonardo Vinci. Cet ouvrage mythique du XVIIIe siècle a triomphé sur la scène de l’Opéra de Nancy avant de conquérir Vienne, Lausanne, Paris et Cologne sous la férule électrisante de Diego Fasolis et alors que Virgin publiait l’enregistrement, en première mondiale, de l’opéra. Chez DECCA cette fois, le contre-ténor domine la distribution de haut vol rassemblée pour le flamboyant Alessandro de Haendel, sans conteste une des meilleures intégrales lyriques du Saxon. Ce sont là deux entreprises magistralement abouties dont Max-Emanuel Cencic s’est révélé beaucoup plus qu’un interprète : il a initié et porté ces projets, réuni, fédéré les talents et les énergies sans lesquels ces réussites éclatantes n’auraient jamais vu le jour. Bien plus qu’un chanteur supérieurement doué, cet Arabella de platine couronne donc un aventurier au sens noble du terme, à l’instar des pionniers du mouvement baroque. Respect ! [Bernard Schreuders]
Ortrud de cristal : le public parisien
Voilà un certain temps qu’on a le public parisien dans le collimateur, tout particulièrement celui de l’Opéra Bastille qui a pris l’habitude de déserter la salle dès le rideau tombé sans même avoir la politesse d’applaudir les artistes. En 2012, il aura carrément dépassé les bornes de la bienséance, toussant durant les représentations encore plus que de coutume, malmenant les chanteurs lors des générales, alors que – rappelons-le – il s’agit d’une répétition à laquelle sa présence est un privilège accordé par les maisons d’opéra, sifflant parce que les mises en scène sont trop avant-gardistes et raillant parce qu’il les juge rétrogrades, conspuant Joel après avoir voué aux gémonies Mortier. Son comportement lors de la première de Médée au Théâtre des Champs-Elysées, les huées qui ont accueilli le Don José du jeune et méritant Khachatur Badalyan (voir brève du 11 décembre) et pire, les larmes d’Anna Caterina Antonacci dans Carmen lui valent cette année l’opprobre de la rédaction. [Christophe Rizoud]