Et s’il ne fallait garder qu’un seul de tous les opéras à l’affiche cette saison. Cet exercice difficile, ce choix cruel, nos rédacteurs ont accepté de le faire : parcourir les programmes de tous les théâtres lyriques du Monde entier pour, dans le flot de propositions, ne retenir que la meilleure. Voici, selon eux, les vagues sur lesquelles il faudra surfer en 2010-2011. Yep* !
Richard Wagner, Götterdämmerung, Opéra National du Rhin, 25 février – 12 mars 2010 à Strasbourg, 25-27 mars 2010 à Mulhouse
Après un an d’interruption, l’Opéra national du Rhin reprend et termine son prodigieux Ring mis en scène par David McVicar. C’est peu dire que nous sommes impatients de voir ce dernier volet tant le travail de McVicar s’est révélé absolument passionnant et d’une beauté esthétique à couper le souffle. À coup sûr, un des Ring marquants de l’après-Chéreau.
À la tête du Philharmonique de Strasbourg, Marko Letonja, qui avait électrisé Die Walküre ; en Siegfried, le prodigieux Lance Ryan et toujours la bête de scène Jeanne-Michèle Charbonnet en Brünnhilde. Une production immanquable. [En savoir plus]
Pierre-Emmanuel Lephay
Jean-Baptiste Lully, Atys, Paris, Caen, Bordeaux et Versailles, 12 mai – 17 juillet 2011
Vous en rêviez ? Un riche mécène américain l’a fait pour vous! Atys, la production mythique de l’hiver 86-87, va renaître en 2011 pour une quinzaine de représentations à Paris, Caen, Bordeaux et Versailles. Véritable choc esthétique, ce spectacle, déjà repris à travers le monde en 89 et 92, a marqué une étape cruciale dans l’histoire de l’interprétation et du renouveau baroques. Avec W. Christie et J.-M. Villégier aux commandes, la magie pourrait bien renaître et le chef-d’oeuvre de Lully aligner de nouvelles conquêtes. La d’Oustrac promet en Cybèle, le Sommeil de Paul Agnew aussi! [En savoir plus]
Bernard Schreuders
Paul Hindemith, Mathis le peintre, Opéra National de Paris, 16 novembre – 8 décembre 2010
L’entrée au répertoire de l’Opéra National de Paris d’une œuvre qui passe pour l’un des chefs d’œuvres lyriques du XXe siècle mérite l’attention. D’autant plus, quand elle est aussi rarement représentée. Cette fresque historique et philosophique, mêlant des éléments réels et imaginaires, pose la grande question de la place de l’artiste dans la société. Officiellement interdit par les Nazis en 1934, Mathis, le peintre fut créé à Zurich en 1938 avec un immense succès. Reconnaissant l’héritage classique, la musique de ce compositeur subversif mais anti-dodécaphonique y a atteint son apogée. Dans une mise en scène d’Olivier Py, avec Christoph Eschenbach à la baguette et Matthias Goerne dans le rôle-titre, on peut s’attendre à un événement qui devrait faire des étincelles. [En savoir plus]
Brigitte Cormier
Richard Strauss, Salome, Opéra de Montréal, 19 – 31 mars 2011
D’abord pour le chef-d’oeuvre qui nous en met plein la vue et les oreilles, ensuite pour une distribution fort alléchante (Nicola Beller Carbone, John Mac Master et Judith Forst). Enfin on ne voudra surtout pas manquer le retour de Yannick Nézet-Séguin à la direction musicale dont ce sera la première incursion dans l’œuvre in situ. Si la scénographie se montre aussi ambitieuse, ce pourrait être l’événement de la saison musicale à Montréal. [En savoir plus]
Réal Boucher
Bohuslav Martinů, Les Larmes de couteau, Centre Tchèque (Paris), 14 octobre 2010
Malgré la création française de Mirandolina en juin dernier (Bobigny), le pays d’adoption de Bohuslav Martinů peine encore à sortir le compositeur du purgatoire auquel il l’a condamné. Soutenue dans son initiative par le bienveillant Mouvement Janáček, Léna Rondé monte Les Larmes de couteau H. 169, opéra-dada d’après une pièce de Georges Ribemont-Dessaignes (1928). Sept scènes ramassées sur une trentaine de minutes et trois chanteurs accompagnés par un orchestre de jazz ; ainsi se présente ce petit chef-d’œuvre au livret absurde. A projet original, représentation unique ! [En savoir plus]
Nicolas Derny
Richard Wagner, Die Walküre, New York, Metropolitan Opera, 22 avril – 14 mai 2011
Amis lecteurs, vous avez été plutôt gâtés ces dernières saisons en matière wagnérienne en France, et le début de Ring à l’Opéra de Paris – certes pas follement enthousiasmant d’un point de vue visuel – aura rassasié votre début de fringale Tétralogique. Pourtant, si je vous dis Jonas Kaufmann en Siegmund, Eva-Maria Westbroek en Sieglinde et Bryn Terfel en Wotan je suis persuadé que vous tendez l’oreille. Si je rajoute une mise en scène de Robert Lepage et une direction musicale de James Levine, vous devriez déjà être en train de préparer vos bagages. Il est vrai que le choix de Deborah Voigt en Brünnhilde peut laisser perplexe, mais cela ne sera pas suffisant pour vous dissuader d’aller écouter la Walkyrie, in loco au Metropolitan Opera à New York pour les plus fortunés d’entre vous ou, pour les autres, lors de la retransmission HD prévue le 14 mai. [En savoir plus]
Antoine Brunetto
Richard Wagner, Siegfried, Opera National de Paris, 1 – 31 mars 2011
Après L’Or du Rhin et La Walkyrie en mars et juin 2010, à l’Opéra Bastille, c’est naturellement que nous retrouvons Siegfried en mars prochain. Si la proposition scénique de Günter Krämer nous avait laissée en chemin dans les deux premiers volets : direction d’acteurs inexistante, propos politique douteux, bestiaire et symbolique grossiers, on ne peut s’empêcher de rêver cette illustre deuxième journée du Ring. D’autant plus qu’à rebours d’une production falote, la partition promet d’irradier dans les bras de Philippe Jordan : atavisme impeccable, prise de fonction, comme Directeur Musical de l’Opéra de Paris la saison passée, remarquable. La Bastille en guise de Festspielhaus, et la Tétralogie, même sur une colline parisienne, ne se refusent pas. [En savoir plus]
Carine Tailleferd
Gioachino Rossini, Guillaume Tell, Opernhaus Zürich, 13 novembre – 7 décembre 2010
Ultime chef d’œuvre de Rossini, Guillaume Tell fait partie de ces opéras cyclopéens que les théâtres renaclent à programmer en raison précisément de leur démesure. C’est pourquoi toute nouvelle production fait figure d’événement. Celle proposée par l’Opéra de Zurich réunit en plus un trio d’interprètes à même de relever le défi : Michele Pertusi, Antonino Siragusa, Eva Mei. Une seule crainte : le choix de la version française est-il vraiment adapté à ces chanteurs italiens ? Attention aussi à ne pas se laisser abuser par le nom du metteur en scène, Adrian Marthaler n’a rien à voir avec Christof. Tant mieux ? Souhaitons-leur, ensemble, de faire mentir le plus injuste des adages : à Zurich, Guillaume Tell sera prophète en son pays. [En savoir plus]
Christophe Rizoud
Giacomo Meyerbeer, Les Huguenots, Théâtre Royal de La Monnaie, Bruxelles, 11 – 30 juin 2011
Parce qu’il s’agit d’un des ouvrages les plus représentatifs du Grand Opéra à la française, genre trop souvent méprisé dans l’Hexagone, et sans doute l’une des meilleures partitions de Giacomo Meyerbeer. Parce que la mise en scène d’Olivier Py et la direction de Marc Minkowski sont susceptibles d’apporter un souffle nouveau et passionnant à cette œuvre foisonnante. Enfin, parce que la distribution dominée par le Raoul d’Eric Cutler (en alternance avec John Osborn) et la Marguerite de Valois de Marlis Petersen (en alternance aver Henriette Bonde-Hansen) devrait réserver de bonnes surprises d’autant qu’on y trouve aussi Philippe Rouillon, Jean-François Lapointe et François Lis dans les principaux rôles. [En savoir plus]
Christian Peter
Claude Debussy, Pelléas et Mélisande, Opéra de Rouen, 29 septembre – 3 octobre 2010
Pour moi, ce sera Pelléas et Mélisande à l’Opéra de Rouen. D’abord pour l’oeuvre évidemment, envoûtante et inquiétante à la fois. Ensuite pour la subtile distribution : Ingrid Perruche et Jean-Sébastien Bou incarnant le couple de Maeterlinck, entouré du Golaud de Marc Barrard (qui avait déjà fait forte impression à Favart en juin dernier). Enfin, pour l’orchestre de l’Opéra de Haute-Normandie, qui est véritablement capable du meilleur, et qui ne manquera pas de le prouver sous la direction de Jean Deroyer. J’irai revoir ma Normandie… [En savoir plus]
Maximilien Hondermarck
Gaetano Donizetti, Anna Bolena, Staatsoper de Vienne, 2 – 17 avril 2011
Éric Génovèse, assurément le plus lyricophile des Sociétaires de la Comédie Française, fait sa première mise en scène à l’Opéra de Vienne avec une Anna Bolena dont la distribution fait rêver : Anna Netrebko, Elina Garanca, Francesco Meli et le superbe Ildebrando D’Arcangelo. [En savoir plus]
Catherine Jordy
Jules Massenet, Werther, Opéra national de Lyon, 24 janvier – 7 février 2011
Rolando Villazon met ses cordes vocales au repos et déploie son imaginaire au service de la mise en scène – pour un opéra qu’il connaît bien pour l’avoir déjà souvent chanté lui-même. Et le cast est plus que prometteur : Karine Deshayes, Anne-Catherine Gillet, Arturo Chacon-Cruz, Lionel Lhote, Alain Vernhes… [En savoir plus]
David Fournier
Carl Maria von Weber, Oberon, Théâtre du Capitole de Toulouse, 19 – 29 avril 2011
En raison même d’une structure dramatique bancale le dernier opéra de Weber est très rarement porté à la scène. Les représentations du Capitole devraient donc constituer un moment fort de la saison. Daniele Abbado saura-t-il trouver les clefs de la magie de cette œuvre foisonnante qu’alourdissent rebondissements et citations ? En tout cas la distribution annoncée, où brillent les noms de Ricarda Merbeth en Rezia et de Klaus Florian Voght en Huon de Bordeaux, est prometteuse. La présence au pupitre du chef de Rani Calderon, qui dirigea la saison passée un Euryanthe éblouissant de vie et de nuances, achève d’exalter par avance ! [En savoir plus]
Maurice Salles
Paul Dukas, Ariane et Barbe-Bleue, Gran Teatre del Liceu, Barcelone, 18 juin – 5 juillet 2011
Il faudra patienter jusqu’à l’été prochain pour voir mon spot, mais ça vaudra la peine d’attendre : direction Barcelone, car il faudra compter sur les grandes scènes étrangères pour mettre à l’honneur le répertoire français en 2010-2011. Avec Eva-Maria Westbroek et José van Dam (dont ce sera peut-être la toute dernière prestation à l’opéra) dans les rôles-titre, l’Ariane et Barbe-Bleue programmée au Liceu aura tout pour satisfaire les admirateurs de Paul Dukas. Comme un bonheur n’arrive jamais seul, la production, importée du très classieux Opéra de Zurich, est l’œuvre de l’élégant Claus Guth, et on retrouvera dans la fosse Stéphane Denève, qui poursuit à l’étranger la carrière que ne lui a pas offerte la France. Comme disait le poète (Freddie Mercury…) : « Barcelona, such a beautiful horizon ! » [En savoir plus]
Clement Taillia
Richard Strauss, Salomé, Opéra de Wallonie, Liège, 7 – 18 juin 2011
Salomé en français, avec un chef italien (Paolo Arrivabeni) et des chanteurs formés à l’école du bel canto, voilà qui risque d’être passionnant. Le texte français de Wilde donne à l’œuvre, que Strauss a remaniée pour retrouver cette sensualité si particulière du texte original, une couleur inattendue et une chaleur évidemment plus latine. Et puis, June Anderson dans un tel rôle, ça ne se rate pas. Une voix claire, bien projetée, c’est ce que voulait Richard Strauss. On se souvient, par exemple, de l’incroyable performance de Beller-Carbone à Genève en 2009. L’œuvre, ainsi chantée, gagne tellement en humanité et en émotion. Gageons que le bel canto unique de June Anderson saura nous redonner cette lumière, avec en prime un timbre exceptionnel. [En savoir plus]
Marcel Quillévéré
Georg Friedrich Haendel, Tamerlano, Gran Teatre del Liceu, Barcelone, 6 et 9 juillet 2011
Certes, en fin de saison, certes en version de concert, mais avec un casting de rêve : Placido Domingo, qui avait déjà triomphé à Madrid en 2008 dans le rôle de Bajazet, entouré de rien moins que M. E. Cencic, Bejun Mehta et même Anne-Sofie von Otter. Une soirée prometteuse, assurément. [En savoir plus]
Juliette Buch
(*) Yep ! : Cri du surfeur pour faire valoir sa priorité au départ d’une vague.