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Sophie Karthauser : « Je ne voyais pas Calisto sous cet angle-là »

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Interview
26 avril 2010

Infos sur l’œuvre

Détails

La soprano belge Sophie Karthäuser fait carrière discrètement mais sûrement. Elle fait partie de ces chanteurs qui parlent avec beaucoup de fraîcheur et de sincérité de leur métier, ce qui n’est pas la moindre des qualités. Nous l’avons écoutée raconter sa reprise de Calisto dans la nouvelle production de Macha Makeïeff en mai prochain au Théâtre des Champs-Elysées.

  

 

Après des débuts unanimement salués en Calisto en février 2009 au Théâtre de la Monnaie, vous reprenez le rôle le mois prochain au Théâtre des Champs-Elysées, comment définiriez-vous ce personnage ?

Calisto est une des nymphes suivante de Diane, la déesse de la chasse. Elle apparaît d’abord comme un personnage plein de force affirmant vouloir rester vierge à jamais selon le principe que lui a inculqué sa maîtresse, mais dès l’arrivée de Jupiter, déguisé en Diane, les choses changent et elle tombe rapidement dans ses bras. Elle découvre ainsi les plaisirs de l’amour ce qui constitue un changement radical du personnage. Macha Makeïeff ne veut pas que Calisto tombe dans la mélancolie ou dans quelque chose de trop langoureux, elle souhaite que je fasse ressortir le côté sauvage du personnage. J’apprécie beaucoup cette vision des choses car je ne voyais pas Calisto sous cet angle-là surtout après la production de Wernicke qui proposait un personnage davantage tourné vers la pureté.

 

Vous renouez ainsi avec l’opéra vénitien fondé avant tout sur le recitar cantando où le théâtre occupe une place prédominante. En quoi le travail d’un rôle issu d’un opéra vénitien du 17e siècle diffère-t-il de la préparation d’un rôle mozartien ?

Je travaille de la même manière même si au vu du nombre de récitatifs chez Cavalli, je lis beaucoup le texte en amont pour lui donner du relief. A la différence de Mozart, dans les récitatifs, il y a parfois des notes répétées ce qui implique de faire ressortir chaque mot. Plus que dans Mozart, le texte a énormément d’importance même si les arias sont là pour mettre en valeur la mélodie et pour Calisto, je suis gâtée, elles sont souvent superbes !

 

L’écriture de Cavalli est-elle aussi vocale que celle de Mozart ?

Oui dans les arias même si chez Cavalli, et dans le baroque en général, la principale difficulté réside dans la tessiture qui est assez médium et parfois même dans le bas médium comme chez Monteverdi. Cet aspect constitue une différence fondamentale par rapport à Mozart mais mise à part cela, j’aborde ce rôle comme les autres. J’aime beaucoup le versant théâtral d’un opéra, et plus encore le voyage que fait un personnage, les transformations qu’il subit. Je suis toujours à la recherche de contrastes, de couleurs par exemple au niveau du rythme des récitatifs pour les rendre vivants et des différents sentiments éprouvés par un personnage.

 

Il s’agit d’une nouvelle production. Le sentiment de liberté est-il plus grand que pour la production de Wernicke que vous avez reprise après d’autres interprètes ?

Quand il s’agit d’une reprise, il y a un cadre préexistant. Pour la production de Wernicke, nous avions la chance d’avoir un DVD dont je m’étais inspirée. Au début des répétitions à la Monnaie, ce n’était d’ailleurs pas facile de me détacher de l’image de Maria Bayo dont j’avais adoré l’interprétation et j’essayais de me mettre dans sa peau. La situation est en effet très différente ici puisqu’il s’agit d’une nouvelle production.

 

De quelle manière avez-vous travaillé avec Macha Makeïeff ?

J’aime beaucoup sa manière de travailler : elle nous guide, nous présente les personnages tout en nous laissant énormément de liberté. Elle peut nous orienter vers certains mouvements mais sa méthode de travail consiste avant tout à observer les chanteurs : elle attend beaucoup de nous, que nous apportions des choses physiquement et à travers la musique. Elle est assez fascinante car il arrive que nous proposions des mouvements qu’elle n’imaginait pas ainsi, sur lesquels elle travaille et qui la font changer d’avis par rapport à l’idée de départ. Quoi qu’il en soit, tout ce que me demande de faire Macha Makeïeff me semble toujours très juste, très naturel, rien ne me dérange.

 

Comment définiriez-vous son interprétation de l’œuvre ?

Il y a énormément de poésie et d’humour toujours teinté d’une certaine élégance, d’une réelle finesse. Macha Makeïeff joue beaucoup sur les couleurs et a intégré des passages dansés en faisant appel au talentueux chorégraphe Lionel Hoche. A propos des couleurs, mon costume est magnifique, j’espère ne pas l’abîmer car dans le premier acte je suis beaucoup allongée sur le sol ! On renoue un petit peu avec l’atmosphère féerique de Wernicke même si sa mise en scène était finalement très à part ne serait-ce qu’avec le décor magique, cette boîte peinte absolument fabuleuse. Dans cette nouvelle production, on verra aussi des dieux s’envoler sur des chars, des trappes s’ouvrir et à ce propos, Macha Makeïeff nous a parlé de plusieurs défis à relever au niveau technique mais je n’ai encore rien vu puisque nous travaillons actuellement au sein de sa compagnie. Je découvrirai tout cela la semaine prochaine au théâtre des Champs-Elysées !

 

C’est la première fois que vous collaborez avec Les Talens Lyriques, comment cette première rencontre s’est-elle déroulée ?

Tout s’est très bien passé même si pour l’instant, nous n’en sommes qu’aux répétitions avec clavecin. Christophe Rousset, comme Macha Makeïeff, est très l’écoute de ce que nous faisons tout en apportant ses petites corrections. Il nous laisse beaucoup de liberté ce qui est très jouissif pour un chanteur même si j’aurais parfois envie qu’il prenne les choses en main mais nous sommes encore dans le processus des répétitions, le continuo apportera de nouvelles couleurs. Christophe souhaite avant tout que nous élaborions cette création tous ensemble.

 

On a reproché à René Jacobs d’avoir fait des coupures dans la partition. Quelle version Christophe Rousset a-t-il adoptée ? Cela a-t-il modifié votre travail ?

Longtemps à l’avance, j’avais demandé la partition de Christophe Rousset car je savais que la version allait être très différente. La partition de René Jacobs est une réédition qui comporte des coupures, des transpositions notamment pour Pan, rôle extrêmement aigu pour une voix de ténor. En tant que chercheur, il est allé chercher des musiques de l’époque d’autres compositeurs. Même si cette approche est discutable, cette pratique était courante à l’époque. Christophe Rousset a également fait des coupures mais il a aussi rajouté des ritournelles, des symphonies pour aider la mise en scène et toujours en rapport étroit avec le texte. L’édition américaine sur laquelle nous travaillons m’a permis de découvrir de nouvelles pièces, pas pour Calisto, mais pour un des airs de Satirino.

 

Christophe Rousset a choisi deux chanteurs différents pour interpréter Diane et Jupiter déguisé en Diane. Ce choix fait débat parmi les musicologues puisqu’à l’origine, il semblerait que ce rôle ait été interprété par une seule et même chanteuse, qu’en pensez-vous ?

René Jacobs avait pris le même parti à la Monnaie, j’y suis donc habituée. Jupiter est ici chanté par Giovanni Battista Parodi qui dépasse d’au moins deux têtes la Diane de Marie-Claude Chappuis mais je pense que tout se joue au niveau de la copie des gestes et le costume aussi y fait beaucoup.

 

Vous chanterez du Rameau cet été à Aix dans Pygmalion, la musique ancienne occupe une place importante dans votre carrière, que vous apporte-t-elle ?

La musique ancienne, c’est un peu mes premières amours. J’ai commencé avec ce répertoire du fait de ma voix de soprano léger, guidée par mon premier professeur de chant à Liège, Greta de Reyghere, grande spécialiste de la musique baroque. C’était une évidence de chanter cette musique que j’appréciais beaucoup. Par la suite, travailler avec des chefs d’orchestre comme René Jacobs et William Christie a encore fait évoluer les choses. On me qualifie aujourd’hui de mozartienne parce que je chante Mozart que j’aime beaucoup, mais j’apprécie autant de revenir de temps en temps à la musique ancienne.

 

Avez-vous le projet de reprendre Calisto ailleurs dans le monde ou d’aborder d’autres héroïnes d’opéras de Cavalli ?

Pour l’instant il n’y a rien de prévu même si j’aimerais bien reprendre le rôle de Calisto un jour. Pour la musique ancienne, j’aborderai en 2012 au théâtre des Champs-Elysées Médée de Charpentier où je chanterai Créuse.

 

Vous aborderez l’opéra romantique allemand la saison prochaine à l’Opéra Comique dans le rôle d’Agathe du Freischütz. Une nouvelle étape ?

Ce sera une marche de gravie dans l’exploration du répertoire. J’étais un peu angoissée à l’idée de chanter le rôle d’Agathe en sachant que tout le monde m’attend plus dans Aennchen. Mais John Elliot Gardiner, qui m’a auditionnée, a réussi à me convaincre car il a dans l’idée d’avoir des voix mozartiennes, il veut s’éloigner de la tradition des voix lourdes dans ce répertoire et dans le rôle d’Agathe en particulier. Il a un petit peu insisté car tous les rôles nouveaux me font toujours peur même si ce sont probablement eux qui me font avancer. J’ai toujours besoin d’un guide et quelqu’un comme John Elliot Gardiner avec qui j’ai eu la chance dernièrement de faire une tournée de concerts, est un très grand musicien. J’aime beaucoup sa manière de partager et de faire vivre la musique. J’apprends beaucoup de chefs comme lui, je ne peux donc que lui faire confiance.

 

Propos recueillis le 15 avril 2010 par Anne Le Nabour

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