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5 questions à Günter Neuhold

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Interview
6 février 2007

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Günter Neuhold, vous dirigez à Strasbourg Rheingold, premier volet d’un Ring qui s’étalera sur quatre saisons et mis en scène par David Mc Vicar. Le fait de ne pouvoir disposer à Strasbourg de l’orchestre complet réclamé par Wagner et le fait de ne pas avoir une fosse similaire à celle de Bayreuth, constituent-ils une frustration, un inconvénient pour vous ? Cela a-t-il des conséquences sur votre direction ?

Le cas de Bayreuth est très particulier, et nous ne cherchons pas à imiter la configuration et l’équilibre propre à ce lieu. Ici, comme dans tous les théâtres traditionnels, la taille de la fosse nous impose de limiter notamment le nombre des cordes et cela pose un problème pour trouver l’équilibre avec les vents. Mais le problème le plus important est de trouver la balance juste entre les chanteurs et l’orchestre. A Bayreuth, l’orchestre peut jouer très fort sans qu’il ne couvre les chanteurs, ici nous avons un autre travail à faire, un travail qui permette aux chanteurs d’être audibles et surtout compréhensibles.

Lors de votre Parsifal ici même à l’Opéra du Rhin en 2003, votre direction se caractérisait par des tempi assez alertes. Etait-ce un choix personnel vis à vis de l’œuvre ou en fonction de l’acoustique de la salle de Strasbourg ? Procédez-vous ici aux mêmes choix ?

Je n’aime pas les Parsifal trop lents, mais ce n’est pas seulement une question de goûts personnels, nous avons beaucoup de témoignages qui indiquent que Wagner, de manière générale, ne souhaitait pas des tempi trop lents. Ainsi, lorsqu’il apprit qu’une représentation de Lohengrin dirigée par Liszt avait commencé à 18 h et s’était terminée à 23 h, il s’était exclamé “C’est trop lent !”. De même, après une répétition de Rheingold à Bayreuth, Wagner lança aux musiciens : “Si vous n’étiez pas de tels bonnets de nuit, on pourrait jouer l’œuvre en une heure et demie”. D’ailleurs, dans Rheingold, il n’y a aucun tempo vraiment lent, et Wagner a, dans les annotations qu’il fit sur la partition après à la création, beaucoup insisté sur le tempo [Gunther Neuhold montre des exemples d’annotations sur la partition : “ne pas ralentir”, “garder le tempo”, “avancez”, “sans traîner” etc.].
De toute façon, je n’aime pas les maniérismes chez Wagner. Il n’est pas utile de rajouter des effets qui sont très tentants dans cette musique. Il est plus important de faire entendre le texte. D’ailleurs, les deux qualités qui me semblent essentielles pour un chef d’orchestre sont le tempo et la balance, et cela en fonction des conditions offertes par le théâtre.
Pour Parsifal par exemple, nous avions un jeune chanteur pour Gurnemanz [Friedemann Röhlig, remarquable], c’était un facteur important : il était exclu de prendre des tempi trop lents ne serait-ce qu’à cause de lui. On ne peut arriver avec une idée fixe, il faut s’adapter, notamment aux chanteurs.

Justement, à propos de chanteurs, certains évoquent un renouveau du chant wagnérien (Heppner, Stemme, Baird…). Qu’en pensez-vous, vous qui êtes familier de ce répertoire ? Les chanteurs dont vous disposez pour le Ring strasbourgeois participent-ils de ce renouveau ?

Nous n’avons plus de chanteurs mythiques comme Hotter ou Nilsson, ils ont disparu. Vous savez, être chanteur, c’est déjà du sport, mais chanteur wagnérien, c’est un sport de l’extrême, et hélas, beaucoup de chanteurs prometteurs ont décliné assez rapidement et n’ont pas l’endurance des grands chanteurs du passé. En ce qui concerne la nouvelle génération dont vous parlez, attendons de voir leur évolution. On ne naît pas chanteur wagnérien, on le devient et il faut le rester !

A l’heure où un chef comme Simon Rattle semble, dans sa direction du Ring, prendre la suite de la vision “chambriste” de Karajan, dans quelle perspective vous placez-vous ? Considérez-vous le Ring comme une immense fresque mythologique ou comme un drame humain ?

J’ai beaucoup écouté d’enregistrements, notamment ceux réalisés à Bayreuth. Cependant, il ne s’agit pas d’imiter (ce n’est d’ailleurs pas possible) mais de s’adapter aux conditions réunies par le théâtre : il s’agit de créer un nouveau spectacle.
Aujourd’hui, nous parlons uniquement de Rheingold, une partition très transparente, avec un réseau serré de leitmotivs. Il s’agit donc moins d’un opéra qu’une présentation de tout ce qui est à venir, et chaque volet à venir sera propre, aura ses couleurs propres et sera incomparable.

Comment se passe votre collaboration avec David Mc Vicar, le metteur en scène du Ring strasbourgeois ? Vos visions coïncident-elles ou l’un d’entre vous a-t-il dû convaincre l’autre sur l’une ou l’autre de ses idées ?

Nous sommes partis d’une chose très claire : l’importance du texte, tout doit venir de la parole. Il faut absolument comprendre de ce que disent les chanteurs, spécialement pour Rheingold. Mc Vicar place ainsi les chanteurs de telle manière à ce qu’ils soient le plus à même d’être compréhensibles par le public (au centre de la scène par exemple, et non au fond). Là encore, nous ne faisons que respecter les vœux de Wagner qui donnait une grande importance au texte et à l’articulation de celui-ci. Il s’agit d’un drame, et il faut que le public puisse en comprendre les ressorts au mieux, que ce soit au niveau musical ou au niveau scénique.

 

Propos recueillis par Pierre-Emmanuel Lephay

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