Qui est Anthony Milner ? C’est peu dire que la renommée de ce compositeur britannique n’a guère franchi les frontières de son pays. Né en 1925, il fut dans les années 1940 l’élève de Mátyás Seiber. Dans les années 1950, il fut influencé par sir Michael Tippett. Enseignant, claveciniste, chef d’orchestre, critique, militant du renouveau musical de la liturgie catholique, il eut malgré le tout le temps de composer entre 1955 et 1994, avant de succomber à la sclérose multiple en 2002. Beaucoup de pièces religieuses dans sa production, et même si cela ne saute pas immédiatement aux yeux, c’est aussi le cas des deux œuvres réunies sur le disque que propose le label Lyrita, grâce aux diffusions radiophoniques enregistrées par Richard Itter.
Loin de l’avant-garde européenne, Anthony Milner composait donc une musique d’une modernité modérée, proche de celle de son aîné Britten. N’était la parenté purement superficielle avec l’un des premiers opéras de Philip Glass, Akhnaten, il n’y aurait guère lieu de s’attarder sur le quart d’heure que dure The Song of Akhenaten, œuvre d’un compositeur de moins de trente ans qui s’appuie sur les écrits dudit pharaon mais n’a pas encore trouvé sa voix personnelle.
The Water and the Fire est une pièce de quelques années postérieure, beaucoup plus substantielle, non seulement pas sa durée (près d’une heure), mais aussi et surtout par la qualité de son inspiration. La sincérité de la foi du compositeur est flagrante, cela va de soi, et sans révolutionner l’histoire de la musique, il n’en sait pas moins élaborer les formes artistiques aptes à rendre le message plus parlant pour l’auditeur. Peu après, Britten allait livrer ses Church Parables, mais au genre dramatique Milner a préféré l’oratorio, sur son propre collage de textes bibliques (avec en plus divers emprunts à saint Augustin, saint Jean de la Croix ou sainte Thérèse d’Avila).
The Water and the Fire fut créé en 1964 en la cathédrale de Hereford, par des chanteurs britanniques aussi prestigieux que Heather Harper (à qui succéderait Jennifer Vyvyan pour la seconde interprétration, à Leeds), Gerald English et John Shirley-Quirk. En 1977, la BBC associa à son Northern Symphony Orchestra et ses Northern Singers un trio de qualité : l’excellent ténor John Elwes est sans doute le plus connu des trois solistes, pour avoir enregistré enfant le « canticle » Abraham and Isaac avec Peter Pears sous la direction de Benjamin Britten et grâce à sa participation aux premières heures du mouvement baroqueux (il enregistra la première intégrale des Indes galantes avec Jean-François Paillard et collabora notamment avec Jean-Claude Malgoire). Hazel Holt est une soprano dont le timbre très pur se prête fort bien à ces chants d’angoisse ou de louange. Quant au baryton Stephen Roberts, il n’intervient que pour les quelques phrases prononcées par le Christ en personne. Avec son chœur d’enfants et ses élans de ferveur, voilà une œuvre que les programmateurs de concert et de festival seraient bien inspirés de faire découvrir à leur public.