Même si elle manifeste une belle diversité dans le choix des artistes qu’elle inclut, il est assez naturel que la série des Rosenblatt Concerts publiée par Opus Arte accueille en son sein de jeunes chanteurs britanniques. Voici venu le tour du ténor Ben Johnson, entendu à Saint-Denis l’an dernier dans Le Paradis et la Péri de Schumann, vu à Bordeaux dans Don Giovanni. Après avoir chanté Ottavio, Tamino, Alfredo et Nemorino à l’English National Opera, Ben Johnson n’est plus tout à fait un inconnu, mais ce disque de mélodies révèle une autre facette de son talent. Et c’est avec une infinie délicatesse qu’il aborde ces pages parfois ineffables, comme « Pleading » d’Edward Elgar. Si la voix montre parfois quelques duretés un peu nasales, elle n’en offre pas moins de superbes demi-teintes, et en particulier un art du diminuendo charmeur sur de très longues notes finales. Par ailleurs, le ténor fait preuve par ailleurs d’un robuste talent comique lorsqu’il le faut, puisque le disque inclut au moins trois plages de comic relief : « Betty and Johnny » qui rappelle le duo de Corydon et Mopsa dans Fairy Queen, « The Stuttering Lovers », histoire de deux amoureux bègues, ou encore, proche du Poulenc des Quatre Chansons pour enfants, un des Four Cautionary Tales, textes hilarants dus à Hilaire Belloc, mis en musique par Liza Lehmann. Ben Johnson y est impayable, et l’on entrevoit ce dont il serait capable dans un rôle comique, par exemple Albert Herring (jusqu’ici, le Novice dans Billy Budd à Glyndebourne et un récent Lysandre du Midsummer Night’s Dream semblent avoir été ses seules incursions scéniques en terres britteniennes).
Ces plages humoristiques sont les bienvenues au milieu d’un programme qui séduit avant tout par une inspiration mélodique apparemment inépuisable, plus que par l’originalité des accompagnements. Beaucoup de noms peu familiers du public français parmi ces compositeurs : la majorité d’entre eux ont vécu entre 1850 et 1950, mais aucune des pièces réunies ici ne brille par une recherche de modernité. Le plus gâté est Eric Coates (1886-1957) avec quatre mélodies composées entre 1913 et 1926, Liza Lehmann (1862-1918) avec trois pages, et Amy Woodford-Finden (1860-1919), représentée par deux extraits de son recueil Four Indian Love Lyrics de 1902. Sentiment amoureux, patriotisme, piété, exotisme, toutes les tendances sont représentées dans les textes. Un peu de Shakespeare, comme « Orpheus with his lute », qui ouvre et ferme le récital, mais surtout des poètes contemporains des compositeurs. Quant à l’exotisme, on le perçoit dans certains poèmes plus que dans la musique, en dehors de quelques discrets mélismes vaguement orientaux.