Voici encore un de ces ouvrages dont on se dit que seuls les Anglo-Saxons sont capables de les réussir ainsi. Expliquer un univers aux profanes tout en permettant aux initiés d’approfondir leurs compétences, tel est le but que se fixe la collection « Trois minutes pour comprendre », qui compte déjà une trentaine de volumes en français, publiés par Le Courrier du Livre. Les domaines explorés sont avant tout scientifiques ou historiques, mais s’aventurent aussi dans le religieux ou l’artistique. Après « les 50 grands principes et styles en architecture » ou « les 50 techniques et styles majeurs de la photographie », le dernier né propose d’examiner « 50 facettes essentielles de l’opéra ». Evidemment, le volume entier n’est pas destiné à être lu en trois minutes, mais son découpage offre un condensé d’informations, chaque page incluant ainsi un texte principal appelé « Opéra en 30 secondes », que complètent un « Motif en 3 secondes », une « Aria en 3 minutes », quelques « Biographies en 3 secondes » et un « Texte en 30 secondes » (l’utilité de ce dernier étant la plus sujette à caution). Le volume est divisé en sept grandes sections : « Pierres d’assise » (livret, partition, orchestre, mise en scène…), « Paroles et musique » (aria, récitatif, chœur…), « Histoire » (un parcours chronologique depuis « Les prémices » jusqu’à nos jours), « Genres » (serio, buffo, vérisme…), « Grands compositeurs » (douze, de Monteverdi à Britten), « Voix » (les différentes tessitures) et « Personnages » (typologie opposant le héros au rival, « l’ange » à « la femme fatale »…). Sept « Profils » en double page viennent s’intercaler au milieu de ces sections, sept artistes censés incarner l’évolution du genre : Farinelli, Jenny Lind, Caruso, Chaliapine, Callas, Domingo et Joyce DiDonato. L’iconographie abondante – une page d’images pour une page de texte – évite le trop sérieux ou le trop scolaire et préfère le pêle-mêle de documents non légendés, partitions, dessins, portraits ou photographies, où les aficionados pourront s’amuser à tenter de reconnaître les chanteurs dont l’identité n’est précisée nulle part.
Bien sûr, on pourra contester le choix des douze compositeurs (la France n’est représentée que par Bizet, certes père du plus célèbre opéra au monde, mais on regrette que Lully et Rameau soient oubliés). On s’étonnera de voir le fameux mot Regietheater figurer dès les premières pages dans un glossaire par ailleurs exclusivement composé de termes techniques musicaux. On pourra juger que les personnalités retenues comme emblématiques reflètent une conception quelque peu « anglo-américanocentrique » du monde lyrique (parmi les sept Profils, pas un seul chanteur français ou allemand), mais c’est la loi du genre : dès qu’il y a sélection, il y a matière à discussion. Le texte inclut aussi de menues bizarreries liées à une traduction assez dépaysante (l’éditeur a pris soin d’indiquer que la mise en français ayant été réalisée par un Québécois, celle-ci a été scrupuleusement respectée « par respect du droit à la propriété intellectuelle »).
Malgré tout, on guette en vain la bourde qui permettrait de se gausser (allez, avouons quand même qu’il paraît abusif d’écrire que la Partenope de Haendel fait désormais « partie du répertoire courant »). Non, vraiment, ni simplisme condescendant, ni jargon pontifiant, on ne trouve rien à reprocher aux auteurs ici réunis – six journalistes et critiques travaillant sous la houlette de Hugo Shirley, ancien rédacteur en chef adjoint du magazine Opera. Ce livre ne s’adresse ni aux enfants, ni aux lyricomanes chevronnés, mais quand même, il est à parier que chacun trouvera des choses à y apprendre ou de quoi confirmer des connaissances un peu vagues. Le patter aria, par exemple, vous connaissiez ?