Paris ne l’a jusqu’ici entendue que dans la comédie musicale anglo-saxonne (Carousel, Into the Woods), mais Kimy McLaren possède un répertoire bien plus classique et bien plus étendu. Précisons tout d’abord que, contrairement aux apparences, cette soprano canadienne est francophone, et s’ajoute ainsi à l’apparemment inépuisable vivier des artistes originaire de Québec. Rien à craindre, donc, côté prononciation dans ce programme de mélodies françaises qu’elle a choisi de graver pour son premier disque : Kimy McLaren s’exprime dans sa langue maternelle et comprend tout ce qu’elle chante. La diction est bonne, même si elle a naturellement tendance à se perdre un peu dans l’extrême aigu. La seule exception, c’est hélas l’admirable « Nanny » de Chausson qui en pâtit, avec plusieurs vers assez incompréhensibles, alors que tout le reste peut s’écouter sans avoir le texte sous les yeux. Dommage, vraiment, car en dehors du trop célèbre « Colibri », les mélodies de Chausson sont bien rares au concert comme au disque, et l’on se réjouit de voir ce compositeur enfin honoré. Il faut souligner que les œuvres retenues ici ont été choisies avec beaucoup d’intelligence. Alors que tant d’autres picorent, ne retenant qu’une mélodie ici ou là, le présent programme inclut plusieurs cycles entiers : bien sûr, il est rare que l’on dissocie les Chansons de Bilitis, mais l’on n’entend pas toujours l’intégralité du Poème d’octobre ou de La Bonne Chanson. De Massenet, ce disque donne à entendre les deux extrêmes de la carrière, 1876 pour ce qui était déjà le quatrième cycle de sa carrière, 1912, année de sa mort pour « Heure vécue », auquel ce récital doit en partie son titre, et qui révèle une inspiration mélodique intacte, avec un soutien pianistique plus original que dans les premières années. Le pianiste Michael McMahon, compatriote de sa partenaire, trouve en Debussy et Fauré de quoi exercer ses talents et déployer une belle sensibilité.
Comme on a pu le constater en scène, Kimy McLaren possède une voix déjà opulente, au médium riche, qui la destine peut-être à des rôles plus exigeants que ceux qu’elle a surtout fréquentés jusqu’ici, souvent axés sur la virtuosité et la légèreté : l’Infante du Cid, Leïla des Pêcheurs de perles ou la Juliette de Gounod (on pourra l’y entendre à Metz et à Reims cet automne). Il faudra néanmoins qu’elle veille à la stabilité de son aigu pour que la qualité de son timbre y reste intacte. Voilà une artiste qui trouve à s’épanouir dans l’action dramatique où elle doit incarner un personnage : le théâtre a besoin d’elle, mais elle sait plier sa grande voix à l’exercice de la mélodie. Sur ce disque où sa voix n’a pas à affronter un orchestre, on l’apprécie autant, et même presque davantage, dans les mélodies les plus sereines, celles où il faut savoir dire avant tout. Comme le démontre une fort belle interprétation des Chansons de Bilitis en fin de parcours, être une Formule 1 n’oblige pas à pétarader…