Fondé en 1971 par le clarinettiste Alan Hacker et la soprano Jane Manning, l’ensemble Matrix défendait alors l’avant-garde la création musicale en Grande-Bretagne : il était donc logique de solliciter une œuvre auprès de Harrison Birtwistle, qui venait de se faire remarquer quelques années auparavant avec son opéra Punch and Judy, créé au festival d’Aldeburgh en 1968. La commande déboucha sur Nenia : The Death of Orpheus, première d’un série d’œuvres inspirées au compositeur par le mythe d’Orphée, qui devait culminer avec l’opéra The Mask of Orpheus (English National Opera, 1986), sur un texte du même Peter Zinovieff. Près d’un demi-siècle plus tard, cette pièce de douze minutes paraît extrêmement représentative d’une époque en quête de nouvelles voies pour la voix humaine. Ce qu’on retient de cette Mort d’Orphée, c’est surtout le côté expérimental, jouant sur le parlé, le parlé-chanté et le chanté, et cette pièce de douze minutes qui ouvre le disque consacré aux « Songs » de Birtwistle risque de paraître d’autant plus datée que le reste des plages transporte l’auditeur vers une période bien plus proche, la majorité des autres morceaux enregistrés ayant été composés entre 1996 et 2006.
Avec les Songs by Myself de 1984, la soprano italienne Alice Rossi trouve déjà matière à déployer un chant mettant davantage en valeur ses qualités vocales, dans cinq mélodies qui, malgré leur extrême brièveté (la totalité du cycle dure à peine huit minutes), relèvent nettement moins de l’impasse et suscitent bien davantage d’émotions.
A Sophia Körber revient d’interpréter les textes de la poétesse américaine Lorine Niedecker (1903-1970), à peu près aussi sibylline que sa compatriote Emily Dickinson. Composées en 2000, ce cycle réunit neuf mélodies plus courtes encore, puisqu’elles oscillent entre trente-cinq secondes et une minute trente. Bien que minimaliste, le mariage de la voix au violoncelle n’en est pas moins évocateur. Sophia Körber est rejointe par Sarah Lewark pour une berceuse à deux voix a cappella (2006), d’une grande pureté.
Plus réussies encore, les Orpheus Elegies de 2004, conçues pour un contre-ténor. On n’entend Johannes Euler que dans trois des cinq plages, puisque sur les vingt-six « miniatures » qui forment l’œuvre, seules huit ont été retenues ici, dont cinq purement instrumentales (c’est apparemment le chanteur qui met en marche le métronome dans deux d’entre elles, nous dit-on). Il se dégage des poèmes de Rilke ainsi interprétés une réelle magie.
Des trois pièces instrumentales qui complètent le disque, on retiendra surtout la dernière, le superbe et mystérieux Cantus Iambeus, où Stefan Asbury conduit avec une précision rigoureuse Das Neue Ensemble.