La cantate germanique du XVIIe siècle, luthérienne en particulier, s’affranchit progressivement des Geistliches Konzert, et, à côté des trois « S » (Schütz, Schein et Scheidt) nombreux sont ceux qui vont l’illustrer. Après l’enregistrement par Peter Kooij et le même ensemble de cantates baroques pour basse (Mein Herz ist bereit, PC10211) Pan Classics nous propose des cantates pour soprano. Cet enregistrement permet d’en apprécier la variété d’invention, malgré l’économie de moyens : toutes les cantates jouées ici sont écrites pour soliste et petit ensemble. Plus précisément, CordArte, à qui l’on doit déjà nombre de découvertes chez le même éditeur, réunit des instrumentistes sur la base de la sonate en trio.
Hana Blazikova s’est déjà produite avec nombre de formations baroques, y compris sous la direction de Herreweghe et Suzuki. Les hauts lieux de la musique ancienne en France que sont Sablé, La Chaise-Dieu et Saintes l’ont appréciée. Idéale dans ce répertoire qu’elle cultive avec intelligence, sa voix – bien timbrée, souple et d’une articulation juste – se prête parfaitement à la variété des styles des pièces retenues.
Seuls les spécialistes connaissent Johann Schop, le Hambourgeois auquel Bach a emprunté plusieurs mélodies. Son Jauchzet dem Herren est un petit bijou dont la jubilation est convaincante. Le contraste est fort avec la sombre cantate Aus der Tiefe, (psaume 130) dont le texte suscitera tant de créations durant deux siècles. Förtsch, chanteur et compositeur d’opéra à Hambourg, use d’une écriture mélodique virtuose et ornée qui nous le rappelle. Pachelbel, qui œuvre en Saxe, donne un tout autre caractère à sa cantate Mein Fleisch ist die rechte Speise : la voie est ouverte à Bach. Biber, le violoniste virtuose de Salzbourg, écrit pour la voix en confiant à son nstrument une partie gratifiante dans son bel O dulci Jesu, dont l’écriture raffinée illustre remarquablement le texte. Capricornus fut un grand voyageur et l’influence italienne est perceptible dans son Jesu nostra redemptio. Ebart, organiste à Halle, use de tous les procédés – invocation déclamatoire, arioso, aria – pour ce magnifique concert sacré que constitue son Miserere Christi mei. Enfin, Buxtehude, l’organiste de Lübeck pour qui Bach commit sa longue escapade, est illustré par Gen Himmel zu dem Vater mein, où le choral luthérien trouve sa juste place.
Deux pièces instrumentales, la chaconne en fa mineur, pour orgue, de Pachelbel, et une sonate pour violon et viole de gambe de Krieger permettent d’ajouter à la variété du programme. Spécialisés dans ce répertoire, les musiciens de CordArte y excellent.
Un enregistrement qui devrait séduire au-delà du public passionné de musique baroque.
Le livret trilingue, réalisé avec beaucoup de soin, comporte les textes chantés.