Reutter le jeune, élève de Caldara, n’est plus guère connu que pour avoir été le maître de chapelle de Saint-Etienne, à Vienne, où il recruta Haydn enfant, puis son frère Michael, et pour avoir été copié par Mozart * et étudié par Beethoven. Ces seuls titres justifieraient déjà la redécouverte de son œuvre, amorcée simultanément par Olivia Vermeulen (Arie e Sinfonie, chez Accent). Maître mineur, d’une période de transition, ou compositeur important dont on commence seulement à redécouvrir l’influence ?
L’enregistrement illustre avant tout le timbre singulier du tympanon, ou pantaléon (dulcimer dans la terminologie anglo-saxonne), proche parent du cymbalum, en vogue dans l’Europe centrale baroque. Margit Übellacker en est la spécialiste incontestée. Passée la surprise de ce timbre étonnant, la lassitude gagne.
Sont mêlés intelligemment quatre arias d’opéras, cinq motets liturgiques et deux pièces instrumentales. Monika Mauch, soprano spécialisée en musique ancienne, appliquée pour ne pas écrire scolaire, avec une émission parfois tendue dans certains aigus forcés, ne nous émeut guère. Stanislava Jirku, jeune alto attachée au Théâtre National de Prague n’intervient que dans un duo. Tout cela manque singulièrement d’expression et engendre la monotonie. Certes l’Alleluia jubilatoire d’un motet, la transcription pour tympanon d’une pièce pour violon et basse continue sortent de l’ordinaire. Mais la direction de Jürgen Banholzer, par ailleurs contreténor, et son continuo à l’orgue sentent la naphtaline musicologique.
Ces pièces, qui pourraient être mieux servies, ne nous donnent guère envie d’aller au-delà dans la découverte de ce compositeur. On a peine à imaginer que Haydn et Mozart aient pu nourrir une réelle admiration pour telle musique. L’enregistrement d’une œuvre, dans sa totalité, paraît s’imposer pour permettre de fonder un jugement plus nuancé. Comme Ramée nous y a habitués, le livret trilingue est remarquablement documenté, d’une lecture aisée et comporte tous les textes et leur traduction.
* Un de ses De Profundis lui fut longtemps attribué (K. 93).