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Das Rheingold

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CD
10 octobre 2013
L’Or du Rhin dépoussiéré

Note ForumOpera.com

3

Infos sur l’œuvre

Détails

Richard Wagner

Das Rheingold
Opéra en 4 scènes
Créé à Munich (Königliches Hof- und Nationaltheater) le 22 septembre 1869

Wotan
Tomasz Konieczny
Donner
Antonio Yang
Froh
Kor-Jan Dusseljee
Loge
Christian Elsner
Alberich
Jochen Schmeckenbecher
Mime
Andreas Conrad
Fasolt
Günther Groissböck
Fafner
Timo Riihonen
Fricka
Iris Vermillion
Freia
Ricarda Merbeth
Erda
Maria Radner
Woglinde
Julia Borchert
Wellgunde
Katharina Kammerloher
Flosshilde
Kismara Pessatti

Rundfunk-Sinfonieorchester Berlin
Direction musicale
Marek Janowski

Enregistré live à la Philharmonie de Berlin le 22 novembre 2012
4 CD Pentatone classics PTC 5186 406, 140′

 

Dernière ligne droite de son intégrale Wagner chez Pentatone Classics, on attendait avec impatience le témoignage de Marek Janowski dans le Ring. Ce que l’on avait entendu jusque-là nous permettait en effet d’espérer une lecture passionnante : il semblerait, à en juger par cet Or du Rhin, que la promesse soit tenue.

Dans les précédentes étapes de cette intégrale, l’approche de Janowski avait frappé par sa cohérence autour d’une lecture « dégraissée » de Wagner : la direction frappait par sa clarté, sa transparence et sa grande ductilité. Ces caractéristiques se retrouvent ici, et sont même magnifiées, tant l’écriture orchestrale du Ring, particulièrement dense et complexe, se prête à la perfection à un tel parti pris. L’effet est saisissant : ce n’est pas une lecture de l’œuvre que propose Marek Janowski, mais plutôt une radiographie (bravo à la prise de son magistrale des équipes de Pentatone Classics). En ce sens, ce qu’il propose à l’auditeur se situe, on l’aura compris, aux antipodes de l’approche « traditionnelle » d’un Christian Thielemann, récemment commentée dans ces colonnes. D’un côté une lecture orchestrale « englobante », reposant sur les pupitres graves, opposant les grandes masses les unes aux autres, dans un tempo généralement retenu, jouant volontiers de l’aspect tellurique du discours musical, de l’autre un passage aux rayons X de la partition grâce à un absolu allègement de la texture orchestrale et une battue fluide, légère, si légère… On pense plus d’une fois à la formule de Debussy qui, parlant de l’orchestre de Parsifal, évoquait un orchestre « éclairé par derrière ». Cette approche, qui n’est pas sans rappeler celle de Pierre Boulez dans la même œuvre, a pour effet de donner – même à l’auditeur le plus blasé – le sentiment jubilatoire de redécouvrir la partition : cela doit être souligné, et salué. Le parti pris artistique (enregistrer les œuvres live, en version de concert) est parfaitement cohérent avec cette approche : du live, il y a la tension et la continuité du discours, parsemé d’intuitions géniales. Un exemple : à la scène 4, la querelle entre les dieux et les géants, qui suit la malédiction d’Alberich, est prise à un tempo rapide, avec un léger accelerando sur les mesures précédent l’apparition d’Erda. Lorsque celle-ci délivre son message, soudain tout s’arrête et se fige, le temps se dilate. L’effet est saisissant. Le choix de la version de concert crée par ailleurs des conditions sonores optimales : absence de bruits de scène parasites, équilibre voix/orchestre proche de l’idéal, et en outre, l’acoustique de la Philharmonie de Berlin.
 

Un premier constat s’impose : alors que chez certains chefs l’âge tend à ralentir et à épaissir la battue, chez Janowski, c’est l’inverse : la lecture du Ring qu’il propose en cette année bicentenaire est autrement plus alerte que celle gravée en studio il y a 30 ans avec la Staatskapelle de Dresde, et dont le moins qu’on puisse dire est qu’elle n’est pas restée dans les mémoires (voir le compte rendu)…

On a souligné la parenté entre l’approche de Janowski et celle de Boulez. Le premier a néanmoins un avantage déterminant sur le second : une distribution qui suit !

Le niveau vocal de cet Or du Rhin est en effet des plus satisfaisants.

Plusieurs prestations se détachent. On commencera par celle de Christian Elsner, remarquable Loge : on lui sait gré, à l’instar de Windgassen avant lui, de faire de ce personnage central dans l’intrigue autre chose qu’une figure de comédie. Voix de ténor héroïco-lyrique, Elsner n’avait pas convaincu en Parsifal, dont il a pourtant les moyens. Il est un Loge de grande classe et dramatiquement très crédible. L’ombre qui voile son timbre convient à merveille au côté doux-amer et désabusé du personnage. Le couple de géants formé par Günther Groissböck (Fasolt) et Timo Riihonen (Fafner) est simplement somptueux et déborde de santé vocale : c’est impressionnant. Autre couple remarquable : celui formé par l’Alberich déchiré et hanté de Jochen Schmeckenbecher, qui a à l’évidence trouvé son personnage, et le Mime d’Andreas Conrad. La Fricka véhémente d’Iris Vermillion, l’Erda sépulcrale de Maria Radner ne déparent pas l’ensemble. En Freia, Ricarda Merbeth est presque surdimensionnée : après tant de potiches transparentes, on ne s’en plaindra pas. Donner et Froh ne déchoient pas, mais marquent moins : on s’en accommodera. Reste le Wotan de Tomasz Konieczny, dont on imagine qu’il partagera les auditeurs. Ce dieu des dieux, à l’évidence, interroge. D’un côté une pâte vocale superbe, une voix de baryton pleine et riche, disposant d’une quinte aiguë qui en ferait pâlir beaucoup : voilà, à l’évidence, qui colle plutôt bien au personnage de Wotan dans L’Or du Rhin, avide de conquêtes, insouciant et peu encombré de scrupules. De l’autre, une intonation qui, immédiatement, renvoie plutôt au double noir de Wotan, Alberich, et situe Konieczny quelque part entre Thomas Stewart et Gustav Neidlinger. Affaire de prononciation des voyelles (presque systématiquement ouvertes), de conduite de la ligne (les ruptures priment sur la ligne) : on entend les notes de Wotan, et on voit le visage d’Alberich. C’est pour tout dire assez troublant et déstabilisant, surtout dans les scènes qui les opposent. Du reste, c’est bien en Alberich que Tomasz Konieczny nous a récemment inspiré des commentaires louangeurs, dans le cadre du Ring viennois de Christian Thielemann : CQFD.

Cette interrogation, qui n’est pas anecdotique, se doit d’être mentionnée. Elle ne suffit pas à gâcher le plaisir que procure cet enregistrement. Oui, vraiment, on est ici aux antipodes de la version de Thielemann : à Vienne une direction traditionnelle, de fort belle facture, mais sans surprise, et une distribution vieillissante ; à Berlin une lecture vivifiante, stimulante, qui redonne à L’Or du Rhin un coup de jeune salutaire, servie par des chanteurs jeunes et en pleine possession de leurs moyens. Si Janowski parvient à tenir ce pari sur les trois autres journées du cycle, on tient là un des Rings majeurs des 20 dernières années.

 

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Enregistré live à la Philharmonie de Berlin le 22 novembre 2012
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