N’était l’année du bicentenaire, on serait en droit de s’interroger quant à la pertinence de ce nouvel enregistrement. Le programme a été abondamment illustré par les plus grands chefs. Myung-Whun Chung et le chœur de Santa Cecilia l’enregistrait il n’y a pas si longtemps, pour Deutsche Grammophon.
Dernières oeuvres de Verdi dont elles sont le couronnement, écrites entre 1889 et 1898, contemporaines de Falstaff, les Quattro pezzi furent assemblées dans un recueil factice par Ricordi, l’éditeur, à qui l’on doit aussi le titre. Elles diffèrent non seulement par leur inspiration, mais aussi par les formations auxquelles elles font appel.
L’Ave Maria, curieux par son cantus firmus, est une page magistrale qui permet d’apprécier le chœur mixte a cappella. Sans surprise, celui de l’Académie Santa Cecilia, qui le chante de façon ininterrompue depuis Toscanini, se montre en tous points exemplaire.
Fort et raffiné, le Stabat Mater exige des moyens peu communs : cent choristes et un orchestre à l’harmonie enrichie. Chaque verset est illustré avec un sens dramatique hérité du métier acquis dans ses ouvrages lyriques.
Les Laudi, écrites pour des « voix blanches » sont le plus souvent confiées à des voix de femmes comme dans le présent enregistrement. Essentiellement linéaire, palestrinienne, l’écriture vocale, simple et claire se développe puis se résout dans la douceur des derniers « Ave ». La force émotionnelle de ce chœur a cappella, d’une émission si pure, naturellement simple, forme un contraste saisissant tant avec le puissant Stabat Mater qu’avec le flamboyant Te Deum qui lui succède.
Les moyens utilisés par Verdi dans cette dernière pièce outrepassent ceux du Requiem : un double chœur accompagné d’un orchestre sur-dimensionné. Pour autant, son style emprunte autant à Victoria et Palestrina qu’au grand opéra. Les oppositions sont nombreuses et renouvellent l’intérêt musical au fil des versets. Les suppliques du « miserere » final, triple piano, commençant en écho, sont admirables, et les quelques membres de phrase chantés par la soprano solo, recto-tono, conduisant crescendo à la conclusion « in te speravi » sont du grand Verdi.
L’Ave Maria (de 1880) et le « Libera me », de la Messe pour Rossini complètent un programme un peu chiche. Pourquoi n’avoir pas profité de l’occasion pour y ajouter le Pater noster à 5 voix et le Tantum ergo (de Milan) ?
Ce dernier Ave Maria, écrit pour soprano et cordes sur des vers de Dante, est une page émouvante, prémonitoire de celui que chante Desdémone dans Otello. La trop rare Maria Agresta chante avec la simplicité qui sied à cette pièce. Sa voix prend toute son ampleur dans le finale de la Messe pour Rossini, le « Libera me », page grandiose que Verdi modifiera à peine dans son Requiem.
Sir Antonio Pappano est dans un de ses meilleurs emplois. On se souvient du Requiem qu’il avait gravé en 2009 avec ces formations dont il est le chef permanent, et avec Rolando Villazon. Le chœur comme l’orchestre sont portés par sa direction, de la retenue pudique à l’incandescence. Un très bel enregistrement qui s’ajoute à une riche discographie.