En quelques années, la soprano polonaise Aleksandra Kurzak a gagné sa place au firmament des artistes les plus demandées sur le circuit international, aux côtés des autres artistes venues de l’Est comme Olga Peretyatko, Julia Lezhneva, Alexandrina Pendatchanska ou encore Nino Machaidze. Quoique âgée de presque 36 ans, déjà, sa discographie est pourtant encore mince et ce deuxième récital était très attendu. Rossini est à l’honneur, avec une sélection d’airs tirés d’opéras bouffes et serieux, entre Tancredi dont on fête le bicentenaire cette année, et l’air de Mathilde de Guillaume Tell, donné curieusement dans la version italienne. Dans ce programme composé pour l’essentiel de tubes, seul l’air d’Aldimira dans Sigismondo fait figure de rareté relative. A la tête du Sinfonia Varsovia, Pier Giorgio Morandi assure une belle homogénéité et impulse beaucoup d’énergie dans cette musique qui en exige tant.
Du côté de la diva, les grandes qualités et les petits défauts que révélaient « Gioia », le premier CD carte de visite sorti en 2011, avec du Verdi, du Puccini, du Donizetti et du Mozart, entre autres, sont toujours là. La voix est saine et parfois insolente, la ligne de chant est soignée, la technique impeccable, notamment dans les passages d’agilité (les trilles dans Tancredi, les sauts d’octave dans Matilde di Shabran) et les suraigus sont distribués généreusement (contre-Mi dans Semiramide, contre-Ré dans Elisabetta et dans le final de l’air d’Il Turco, contre-Ré dièse dans Matilde…). Il n’y a aucun doute : nous sommes en présence d’une artiste bien formée qui dispose de toutes les armes pour conduire une belle carrière, en particulier dans le répertoire belcantiste. Au-delà de Rossini, les grands rôles belliniens (Giulietta pour commencer) et donizettiens sont pour elle.
Dans le détail, sans jamais ennuyer, l’écoute enchaînée des neuf extraits choisis souligne malheureusement un certain manque de personnalité dans le timbre. Semiramide, Rosina, Elisabetta se succèdent comme des jumelles. Pis, lorsque la soprano s’investit davantage, comme dans l’air de Mathilde, c’est pour céder à la tentation de portamenti hors sujet même si Guillaume Tell est, il est vrai, déjà loin des opéras de jeunesse du Pesarais. Techniquement même et comme on l’avait déjà noté en 2011, le haut médium de Kurzak semble se voiler comme si elle utilisait beaucoup trop de souffle pour émettre ses sons, au détriment du timbre et de ses harmoniques. On se demande quel résultat elle obtiendrait à l’exercice que prônait Caruso et qui consistait à chanter face à une chandelle sans jamais faire vaciller la flamme ! A noter que le programme comporte deux duos avec son compatriote le baryton Artur Ruciński, moins à son aise en Figaro que dans le répertoire verdien qu’il défend depuis quelques années.
Tout cela reste donc quelque peu insatisfaisant, surtout pour une artiste aussi dotée par la nature. Il faut maintenant que, sur scène et aussi au disque, Alexandra Kurzak confirme. On peut très raisonnablement parier sur elle !