Si ce DVD mérite un cœur, c’est uniquement à la présence du baryton-basse néo-zélandais Teddy Tahu-Rhodes qu’il le doit. Celui que Christophe Rizoud n’hésitait pas à qualifier de « Brad Pitt de l’opéra » est en effet à peu près la seule raison de visionner l’objet en question. Son Figaro noble et racé est digne de la distribution de n’importe quelle grande maison internationale. La Suzanne de Taryn Fiebig est pleine de vivacité et son chant mieux que correct. Mais sorti du couple de valets, il n’y a vraiment pas grand-chose à sauver dans ce DVD.
Peter Coleman-Wright est un comte plébéien, à la voix râpeuse et aux intonations véristes. La vocalise de son air se réduit à un ricanement sordide et anti-musical au possible. Rachelle Durkin est, de son côté, une comtesse sans intérêt, à la petite voix pointue, trop proche de celle de Susanne, et aux aigus régulièrement trop bas ; quant au personnage, c’est une bécasse qui n’inspire ni sympathie ni pitié, grimée et coiffée comme Mireille Delunsch interprétant la Folie dans Platée… Le Chérubin de Sian Pendry est très pâle et chante souvent faux. Bartolo, Marcelline et Basile ne sont guère que des silhouettes caricaturales, dénuées d’épaisseur psychologique, et leurs titulaires ne laissent guère de traces dans la mémoire.
On le comprend, ce n’est pas la mise en scène de Neil Armfield qui rachètera un cast de seconde, voire de troisième catégorie.Donnée à Sydney depuis 2002, cette production vient du Welsh National Opera, où elle a été créée en 2001. Ce spectacle extrêmement traditionnel d’aspect, avec costumes d’époque, se déroule dans un décor à base de grandes toiles de récupération, vieillies et parcheminées, qui se soulèvent tout à coup, à l’acte III, sur le décor du Palais impérial conçu en 1911 par Léon Bakst pour Le Martyre de Saint Sébastien ! Le côté conservateur de la mise en scène est démenti par quelques anachronismes apparemment voulus (casque de mise en plis dans la chambre de la comtesse, fauteuil roulant chromé pour Don Curzio, prise de photos pendant le mariage) mais parfois à la limite du mauvais goût, comme ces portes conduisant chez monsieur et chez madame qui s’ornent de symboles semblables à ceux qui indiquent les toilettes dans les lieux publics. Infiniment pllus grave, cette production réduit la pièce de Beaumarchais à une banale comédie de boulevard. Il n’y guère de drame dans cette fort peu folle journée, et la rencontre de la comtesse et de Chérubin se réduit à une bouffonnerie, sans trouble ni ambiguïté.
Patrick Summers dirige avec entrain une version complète de la partition, incluant l’air de Basile et celui de Marcelline au dernier acte, et les airs sont assez joliment ornés, et pas seulement lors des reprises, mais comme l’Australie est bien loin de l’Europe, tout ce beau monde s’exprime dans un italien matiné d’un accent anglo-saxon plus ou moins prononcé.
Un DVD pour rien.