L’Irlandais William Wallace composa entre 1845 et 1865 six opéras, dont Naxos nous offre ici le premier et le plus réussi ; ce même label a récemment enregistré sa Lurline, sous la direction de Richard Bonynge (voir recension). Maritana connut un succès durable un peu partout dans le monde (notamment à Vienne dès 1848). Le livret s’inspire du Don César de Bazan, pièce française signée Adolphe d’Ennery et Dumanoir (1844), qui devait un quart de siècle plus tard être proposé à Massenet pour sa première grande composition lyrique. A défaut de pouvoir entendre cet opéra-comique créé Salle Favart en 1872 (l’année 2012 fournirait l’occasion idéale de lui redonner vie, on peut rêver), la Maritana de Wallace nous permet de nous familiariser indirectement avec l’argument du Don César de Bazan de Massenet. Principale différence de typologie vocale : le héros éponyme est ici un ténor, alors que Massenet en ferait une basse chantante.
Après une ouverture assez développée, où l’on décèle toutes sortes d’influences contemporaines, les mélodies se succèdent, charmantes mais toujours brèves, se limitant souvent à une seule strophe. Malgré l’intitulé « opéra en trois actes », il s’agit en fait d’un opéra-comique avec dialogues parlés (en 1877, pour une reprise à Dublin en italien, des récitatifs avaient été ajoutés par Severio Mattei, et c’est sous cette forme que l’œuvre fut donnée à Covent Garden en 1880). Seuls trois morceaux dépassent les cinq minutes : le très beau duo Maritana/Don José au premier acte, le Finale de l’acte II, et l’autre duo, entre Maritana et Don Caesar, au dernier acte. Quelques airs ont assuré le succès durable de l’œuvre : la ballade de Don José « In happy moments », ou celle de Maritana, « Scenes that are brightest ».
Proclamée belcantiste par le label Opera Rara, Majella Cullagh n’a pas toujours fait l’unanimité autour de ses interprétations rossiniennes et donizettiennes. Comme il s’agit ici de la réédition d’un enregistrement remontant à 1995, la voix a quinze ans de moins que dans sa Linda de Chamounix de Bergame, parue l’an dernier chez Dynamic, par exemple (voir recension) ; quant à la musique de Wallace, l’agilité y est un peu moins sollicitée. Il n’y a pas grand-chose à reprocher à la prestation de la soprano irlandaise, si ce n’est peut-être une palette expressive assez limitée. Lynda Lee interprète avec sensibilité la romance du personnage travesti de Lazarillo. Malgré des nasalités occasionnelles, Paul Charles Clarke est un Don Caesar plein de vaillance, et il se tire avec brio de son air à contre-ut, « Yes, let me like a soldier fall ». Habitué de la scène de l’English National Opera, et distribué dans de petits rôles à Covent Garden, le baryton Ian Caddy plafonne parfois un peu dans les aigus. Si l’on entend assez vite que le RTÉ Philharmonic Choir est un chœur amateur, les sopranos surtout, le RTÉ Concert Orchestra donne en revanche toute satisfaction, sous la baguette attentive de son Chef Principal, Proinnsías Ó Duinn. Maritana a certes son importance dans l’histoire de l’opéra anglais, mais en toute honnêteté, la musique n’en sera une révélation pour personne, et on ne peut pas dire que cet enregistrement en transcende les limites.