Mirella Freni est native de Modène dans un milieu ouvrier, avec une mère cigarière dont l’une des collègues amies a eu pour fils Luciano Pavarotti. Après un radio-crochet où elle triomphe à l’âge de dix ans, le célébrissime ténor Gigli, excusez du peu, conseille à l’enfant prodige d’attendre pour ne pas se casser la voix. Dans quel opéra va-t-elle quelques années plus tard faire ses premières armes ? Carmen (rôle de Micaëla, évidemment). Qui sera son partenaire attitré et aussi un ami sur la scène comme dans la vie ? Pavarotti. On se pince pour y croire. Cette histoire abracadabrantesque, tout à fait authentique, on la connaît bien et pourtant, on écoute avec plaisir Mirella Freni l’égrener encore dans ce documentaire où la soprano se raconte et reprend les principaux épisodes d’une carrière bien remplie et prestigieuse.
Le film de Marita Stocker suit donc la chronologie de la vie de Mirella Freni et les souvenirs de la chanteuse sont illustrés par des extraits, parfois peu connus (une répétition piano de la Bohème en 1967, par exemple), des productions qui ont marqué son parcours. C’est là qu’on se dit que ce film est trop court, car les extraits sont chiches et certains classiques manquent à l’appel. Mirella Freni avait participé à de nombreux films opéras et même si les DVD de Madama Butterfly ou Les Noces de Figaro mis en scène par Ponnelle font partie de la collection de base de tout amateur, on aurait aimé en profiter ici davantage. On découvre néanmoins des extraits d’Otello, le premier opéra retransmis en direct de la Scala en 1976. Sans surprise, c’est en Mimi dans La Bohème, le rôle auquel on l’associe spontanément, qu’elle apparaît le plus souvent.
Parmi les témoignages des proches et amis, celui de Plácido Domingo se distingue ; c’est lui, et non Pavarotti, qui a été le partenaire le plus fréquent de la Freni. Herbert von Karajan, pour sa part, appréciait tout particulièrement celle qui était l’une de ses favorites, « une personne toute simple au grand cœur », comme il le dit affectueusement, émotive et expressive. Au fil des anecdotes, quelquefois drôles (l’épisode du pantalon craqué de Domingo, entre autres), on passe en revue son admiration pour Maria Callas, son régime alimentaire qui consistait à engloutir des pâtes avant les représentations – elle ne peut plus voir les spaghettis en peinture à présent – ou encore sa vie aux côtés de la basse Nicolai Ghiaurov. Ce dernier est le grand absent de ce documentaire. Décédé en 2004, il avait auparavant créé avec son épouse une école de musique dans l’ancien hôpital de Modène où elle a vue le jour (non, cela ne s’invente pas !), école pour jeunes chanteurs où enseigne toujours la veuve. On assiste à une séance de chant et le quotidien de l’institution est largement évoqué dans le film.
En 2005, la Freni quittait la scène après avoir interprété le rôle de Jeanne d’Arc, une adolescente qu’elle parvient à rendre crédible à 70 ans. Cinq ans plus tard, à l’écran, elle ne paraît absolument pas son âge. Ce formidable petit bout de femme, merveilleuse de naturel, force le respect. On accompagne Mimi Freni avec plaisir et émotion pendant 58 minutes, avec au finale tout de même un petit sentiment de frustration. Honnêtement réalisé, sage et sérieux, le film manque cependant d’un brin de dynamisme, voire d’un peu de folie et surtout, il avait largement matière à durer deux fois plus longtemps. Dommage…