Voilà près de 20 ans que Carlo Colombara joue les premiers rôles de basses sur les plus importantes scènes du monde sans jamais être vraiment devenu une star connue du grand public.
Sa discographie commence pourtant à être imposante, notamment du côté des intégrales1. En 2004, la firme bolognaise Bongiovanni avait offert à son concitoyen un album « carte de visite » consacré majoritairement à Verdi 2. Sept ans plus tard, c’est le discret label Kicco Music qui sort un CD présentant onze extraits en trois langues. Du classique verdien (Nabucco, Attila, Fiesco) côtoie un surprenant Iago ; du grand répertoire français (le cardinal Brogni, Mephisto et Escamillo) est proposé avant trois extraits de Boris pour finir.
On pourrait donc penser qu’il ne s’agit que d’un CD de plus, avec une programmation bien classique pour un chanteur de bonne routine, dont les dernières productions discographiques n’avaient pas vraiment convaincu. On se tromperait en partie. A côté de quelques excellentes surprises, cette petite heure de musique réserve de beaux moments et donne l’occasion de faire le point sur la carrière et l’art d’un chanteur digne d’intérêt, interviewé très récemment par Forumopera.com3.
Dans son répertoire habituel, la basse italienne exploite les belles qualités de son timbre. Par la longueur de sa voix, Colombara maîtrise la phrase verdienne, ce qui n’est pas rien et il sait, ici et là, alléger et nuancer. Certes, on peut préférer un Attila plus insolent et un timbre plus clair, mieux projeté, dans la lignée d’un Ramey. Mais, en Zaccaria ou en Fiesco, il est sans doute le meilleur du circuit actuel. On se demande alors ce qui a traversé l’esprit des concepteurs du programme qui sont allés chercher le « credo » de Iago, enregistré on ne sait où : hall de gare ? entrée d’immeuble ? En tout cas, cela résonne épouvantablement…. Les notes y sont, mais appesanties par un timbre qui n’est en aucun cas celui d’un baryton verdien, Colombara ne fait même pas peur. C’est long, lent et lourd. Le répertoire français lui convient mieux même si la diction est parfois peu claire. Son Escamillo, rôle dans lequel il a débuté il y a deux ans à Rome, est tout à fait en place.
Le meilleur reste les extraits de Boris Godounov qui conviennent particulièrement bien à la vocalité de la basse qui y est saisissant. A seulement 46 ans, cela ouvre de belles perspectives.
Vladimir Ghiaurov dirige très honorablement l’orchestre symphonique national de Bulgarie et les partenaires qui donnent la réplique à Colombara, comme Mariana Pentcheva. Fils du grand Nicolai Ghiaurov, Vladimir développe sa carrière depuis plus de trente ans pour l’essentiel dans son pays. On imagine qu’il a dû être bercé par les airs qu’il dirige aujourd’hui dans ce CD. Le clin d’œil est plaisant.
Jean-Philippe Thiellay
1 voir le site de l’artiste www.carlocolombara.com
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