A la lecture du titre « Jardin Nocturne », on peut entrevoir la promesse de voyages envoûtants et fantastiques au pays fleuri des songes. La couverture de l’album, pas très avenante au demeurant, invite à la rêverie, avec ses rameaux étoilés de gemmes givrées. Au-delà d’un simple récital de mélodies, exercice discographique devenu inévitable pour tout jeune chanteur, on veut nous vendre un concept. La jeune mezzo nous parle d’ailleurs dans sa préface du choix très personnel de mélodies empreintes de tendresse, de désespoir, de nostalgie et de sensualité. Enfin, des textes récités, parsemant çà et là un programme construit autour du plat de résistance que sont Les Nuits d’été de Berlioz, achèvent d’aiguiser notre curiosité.
Malheureusement, l’interprétation monochrome d’Isabelle Druet et de sa pianiste Johanne Ralambondrainy nous plonge dans une torpeur dont même Les Nuits d’été ne parviendront pas réellement à nous tirer. Isabelle Druet est dotée d’un timbre nacré servi par une prononciation assez remarquable. Le choix d’un chant proche du français parlé, avec ses « r » grasseyés et sa diction pas du tout ampoulée a d’ailleurs de quoi séduire. Mais cette esthétique ne facilite pas toujours l’émission et certains aigus sont mal amenés et peu soutenus (comme en témoigne entre autres « Absence »). L’abus d’attaques raides, intéressantes quand elles sont utilisées avec parcimonie et pertinence, lasse. Ce senza vibrato, habitude ici anachronique, vient carrément défigurer certains passages comme l’arrivée du paradis dans « Le spectre de la rose ». « La Villanelle » n’a rien de la fraîcheur printanière qu’elle nécessite et le piano, noyé dans une acoustique d’église, manque de définition. « L’Île inconnue », quant à elle, dévoile des sons disgracieux (la redite de « va souffler »…) et des graves forcés. En somme, on reste surpris par la coloration atypique de cette voix. Johanne Ralambondrainy accompagne honorablement sa chanteuse mais on regrette un jeu impersonnel et terne, peu servi par une prise de son trop réverbérée. On se serait bien passé des quelques poèmes fadement débités et sans contraste.
Soyons tout de même reconnaissants à Isabelle Druet d’être sortie des sentiers battus de la programmation en nous offrant un choix de mélodies peu fréquentées au récital (surtout les Halphen et Hahn) qui donne l’envie de redécouvrir les trésors cachés de ce répertoire.
Lionel Rouart