Opera Rara revient avec une belle production qui nous offre une large sélection de I Normanni a Parigi. Pour cette première mondiale d’une œuvre de Mercadante, la firme atteint pleinement ses objectifs initiaux. Ce huitième opus la série Highlights est sans doute un des plus passionnants par son contenu et sa réalisation. Ce concept d’extraits permet adroitement à la firme anglaise de réaliser un judicieux équilibre entre différentes données : offrir l’opportunité de présenter une œuvre dans de bonnes conditions studio, qui sans cela, n’aurait que peu de chances de se faire entendre. Ensuite, la notion d’extraits présente un avantage économique quand dans le contexte actuel, rentabiliser une intégrale studio est une réelle gageure. Pourtant, dans le respect qui la caractérise, Rara ne mutile aucunement l’œuvre ou ne frustre ses auditeurs. On navigue dans un juste équilibre pédagogique et artistique : livret in extenso recadrant les extraits retenus judicieusement entre beauté et théâtralité, cadre historique, musical, tout concourt à une expérience satisfaisante.
Mercadante, après le retrait de Rossini, tenta de s’ériger en rival crédible de Donizetti, de Bellini puis du jeune Verdi. Sans connaître les délires triomphaux de ces Maestri, on réalise que son travail en sa qualité et sans quantité, n’avait en rien à rougir. Une écoute attentive éclaire sur l’oubli quasi-total qui le frappa et sur son étiquette moderne de second couteau. La composition est adroite, la théâtralité efficace et régulièrement en situation dramatique. Mercadante ne possédait simplement pas ce talent qui caractérisait si bien Rossini ou Bellini : l’art de couler insidieusement et à jamais dans l’oreille de son auditeur, une mélodie entêtante, ce petit quelque chose faisant qu’un thème vous hante délicieusement.
La trame de ces Normands à Paris est connue. Fonds politiques tourmentés, nombreux imbroglios affectifs, rédemption sacrificielle sur tomber de rideau tragique et sanglant. Dans la réalisation, la cohésion sans faille de l’équipe frappe immédiatement. Stuart Stratford est rigoureux à défaut d’être toujours ambitieux. On pourrait attendre un rien d’italianité supplémentaire dans les pages purement hédonistes ou il ne faut chercher autre chose qu’un moment de bravoure ou de panache offert au chanteur. Dans la belle affiche vocale, on saluera particulièrement l’Odone de Barry Banks, terriblement attachant dans la gestion intelligente de moyens aux dimensions humaines. Judith Howarth jette toutes ses forces dans le rôle de Berta (Carolina Ungher en fut une des grandes titulaires). La voix est d’une réelle beauté, souple et source plus d’une fois, d’émotions. Son personnage existe. On pourra reprocher une utilisation pas toujours heureuse ou opportune de son suraigu, parfois inutilement exploité dramatiquement. Enfin, l’extrême juvénilité du timbre décrédibilise la maturité maternelle sensée être incarnée. Broutilles … La révélation s’appelle, Katarina Karnéus qui par son enthousiasme, n’est pas sans rappeler une jeune Larmore, à l’époque où son émission était encore d’une relative clarté. Karnéus, incarnant Osvino, le travesti d’usage, est à suivre d’urgence, pour une recrue de tout premier plan pour Opera Rara. La mezzo, aux réelles affinités avec ce répertoire, offre un travail abouti sur tous les plans. Il lui reste, à la fréquentation régulière de cette époque, à peaufiner son style, notamment dans la virilité de sa colorature, afin que son Chevalier évoque davantage un jeune Tancredi plus qu’un Sesto.
In fine, Opera Rara, démontre que sans faire appel à de personnalités surmédiatisées, on peut encore réaliser des disques passionnants et passionnés. Christmas Time aidant, une bien belle idée cadeau.