La collection horizons des éditions bleu nuit regroupe des ouvrages assez concis sur plusieurs compositeurs avec l’idée de proposer un panorama de leurs univers et de leurs créations. Il s’agit donc d’allier un savoir riche à une construction suffisamment vivante et élégante pour recréer un monde.
A l’occasion du 150ème anniversaire de Gustav Mahler, Isabelle Werck nous propose un parcours – lecture plus qu’analyse, selon ses propres mots – de la vie et de l’oeuvre du compositeur. On lit cet étude avec aisance et plaisir, en absorbant ce que l’on nous offre. Ainsi, l’évocation de sa jeunesse comme élève de Bruckner et son admiration pour Wagner, ou son rapport à Vienne et au Staatsoper sauront accrocher le lecteur. De même, les oeuvres – on apprécie la mention des effectifs orchestraux pour chacune d’entre elles – sont narrées d’une manière qui suscitera l’intérêt en offrant un excellent point d’entrée, un aperçu de leur genèse, ainsi que des éléments d’analyse pertinents. Malgré cela, on peut rester quelque peu frustré par plusieurs lectures qui survolent plus qu’elles ne pénètrent l’oeuvre : il y aurait eu matière à développer. Si les Kindertotenlieder sont la source de beaux paragraphes et que la septième symphonie est bien approchée, on ne plonge pas très loin, par exemple, dans la quatrième, qui souffre, en outre, d’appréciations discutables. Certes, il s’agit d’un travail général, mais on peut se demander parfois ce que la lecture de certaines parties nous apporte de plus qu’une écoute attentive de l’oeuvre; une systématisation trop globale – la musique du grand symphoniste serait à diviser entre le désespoir, les états intermédiaires, et l’issue positive – en est peut-être la cause.
On appréciera en revanche l’iconographie pertinente de l’ouvrage – tableaux, photographies des lieux de compositions, … – qui propose des parallèles bien trouvés et des rapports nécessaires avec l’art pictural : la richesse des univers qui inspirent Mahler, composante essentielle à la compréhension de sa musique, est bien représentée. Mentionnons aussi les photographies de jeunesses du compositeur ainsi que les nombreux exemples musicaux, illustrant confortablement le propos.
Un peu à la manière de Jean-Victor Hocquard pour Mozart, Isabelle Werck nous promène à travers Mahler: la ballade est agréable, intelligente et plaisante. Elle enchantera celui qui découvre la voie mahlérienne, en lui offrant une somme d’informations passionnantes et en lui ouvrant les portes des symphonies, le tout d’une fort belle manière. Pour celui qui s’y promène depuis quelque temps déjà, bien que la balade soit heureuse, elle pourrait le laisser sur sa faim.
Christophe Schuwey