A l’ère du microsillon (commercial … et pirate !), Maria Stuarda a été magnifiquement défendu par des interprètes aussi exceptionnelles que Joan Sutherland, Beverly Sills, Montserrat Caballé, Leyla Gencer, rien que pour le rôle titre. On pourrait également citer Luciano Pavarotti ou Shirley Verrett pour les deux autres rôles principaux, tout aussi importants. « Nés trop tôt », ces artistes n’ont pas eu la chance de bénéficier d’enregistrements vidéo alors que le DVD devient peu à peu le standard des captations lyriques.
Maria Stuarda n’est proposé qu’en trois DVD. Le premier, est enregistré en 2000 à Bergame, ville natale de Donizetti : Carmela Remigio y côtoie Sonia Ganassi et le tout jeune Joseph Calleja. Le principal intérêt de l’enregistrement est de proposer la première représentation de l’édition critique de l’opéra, notablement plus longue. Il en est de même de la version enregistrée à Milan en 2008 avec Mariella Devia et Anna Caterina Antonacci, dans une production de P.L Pizzi.
Un an auparavant, c’est la version traditionnelle que nous propose le Festival de Macerata. Sur le papier, la distribution n’est pas franchement transcendante. De fait, la représentation commence moyennement avec une Laura Polverelli très tendue, affectée d’un désagréable « vibratello ». Les choses ne s’arrangent pas avec l’arrivée de Roberto : les réels moyens du ténor sont gâchés par un chant débraillé et une technique frustre. Dans ces conditions, on n’est pas vraiment étonné de la coupure de la reprise de la cabalette.
L’entrée de Maria Pia Piscitelli vient renverser la tendance. Timbre chaud, homogène sur la quasi-totalité de la tessiture, belles colorations : voici enfin du « bel canto ». On regrette que le registre aigu n’ait pas les mêmes facilités. A partir de cet instant, le spectacle reprend de la vigueur et devient franchement captivant. D’autant que la vidéo est faite avec une grande intelligence, alternant les plans et se jouant de l’espace ingrat du Sferisterio (très large et très étroit). La scène de l’affrontement avec Elisabetta est superbement réussie, Laura Polverelli faisant oublier les réserves vocales ci-dessus par son investissement dramatique. Roberto De Biasio lui-même devient écoutable, émouvant dans sa sincérité. Malheureusement, l’enthousiasme retombe à partir de la prière de Maria : prise à vive allure, dans un tempo qui n’a sans doute pour seul but que de permettre au soprano d’avoir assez de souffle, la scène manque d’intensité, de poésie, d’autant que le registre aigu se fait de plus en plus difficile à soutenir par la chanteuse. Il en sera ainsi jusqu’à la cabalette finale, reprise mais sans ornementation et totalement dépourvue de suraigus, l’artiste capitalisant uniquement sur les réelles beautés de son registre central.
Les rôles secondaires sont bien tenus : en particulier l’Anna de Giovanna Lanza, de belle allure et, dans une moindre mesure le Cecil de Mario Cassi. Effet de la prise de son ? Le Talbot de Simone Alberghini semble moins bien projeté.
A la tête de l’orchestre du festival, Riccardo Frizza donne une belle lecture de l’ouvrage, respectueuse et plutôt excitante quand les voix sont capables de suivre.
Compte tenu du lieu et des moyens du festival, la production de Pier Luigi Pizzi est plutôt une réussite, quoique dépourvue d’originalité : c’est avant tout un spectacle agréable à regarder, qui fonctionne bien, sans excès mais aussi sans fulgurances.
En conclusion, un spectacle qui n’est certes pas parfait mais qui n’est pas non plus sans intérêt, notamment sa partie centrale, moins belcantiste et plus dramatique. Précisons toutefois pour les purs francophones que le sous-titrage n’existe qu’en anglais et en italien.
Placido Carrerotti