Waltraud Meier chante Strauss et Schubert
Joseph Breinl pianiste
Richard Strauss (1864-1948)
Cäcilie
Winterweihe
Wir sollten wir geheim sie halten
Morgen
Die Nacht
Befreit
Zueignung
Vier letzte lieder op 150 :
Frühling
September
Beim Schlafengehen
Im Abendrot
Franz Schubert (1799-1828)
Dem Unendlichen
Wehmut
Die Forelle
Gretchen am Spinnrade
Nachstück
Erlkönig
FARAO Classics 2007
« Une leçon de lied par Waltraud Meier ».
Faite pour la scène, forgée pour l’opéra, ses épanchements infinis et ses embrasements intenses, la voix de Waltraud Meier s’est cependant toujours prêtée à la mélodie. Wagnérienne hors norme, ses interprétations pour imposantes qu’elles soient, n’en sont pas moins respectueuses de la ligne de chant, des nuances et des variations infimes, une attention apprise au contact du lied et de la discipline qu’il impose. La fréquentation constante de ces formes musicales à sans doute influencé sa manière de les interpréter, la cantatrice se plaisant à répéter qu’elle avait toujours chanté l’opéra comme la mélodie, en veillant à la projection du son et au dosage de l’émission.
Ce passage incessant de l’une à l’autre explique sans doute pourquoi trente ans après ses débuts scéniques la célèbre mezzo-soprano chante toujours Isolde, Kundry, Sieglinde aussi bien que « Gretchen am Spinnrade ». Pour preuve ce nouvel album consacré à Strauss et Schubert accompagné par Joseph Breinl. Musicalement et intellectuellement le duo s’entend à merveille, chacun devançant ou suivant la pensée de l’autre avec ce qu’il faut de prémédité et d’improvisé. Dix ans après son récital avec Gerhard Oppitz (RCA), Waltraud Meier surprend par son éternelle vaillance vocale, son impeccable diction et la clarté de son approche, même si quelques tensions se font entendre. Si « Dem Unendlichen » demeure grandiloquent, pour ne pas dire pompier dans sa forme et un rien raide dans sa voix, sa maîtrise du crescendo, sa manière de faire progresser l’angoisse sans craindre de chanter certaines notes rugueuses ou exaltées, confirment sa suprématie dans « Erlkönig » de Schubert, alors que la douceur calculée avant la plongée vers la douleur remue l’auditeur pendu à ses lèvres au cours d’un « Gretchen am Spinnrade », plus habité encore qu’en 1998.
L’univers de Strauss offre à la personnalité de la cantatrice un vaste champ pour s’épanouir. Après une « Cäcilie » enflammée, à la ligne déployée avec robustesse, « Befreit » fait passer le frisson, « Die Nacht » joue avec la torpeur de la langue « Winterweihe » avec son phrasé irisé,. Malgré son souffle et son grain de voix racé, « Morgen » n’a pas la grâce de celui d’une Felicity Lott, si habile dans l’art d’effleurer les notes. Trop lent, le « Zueignung » laisse échapper des duretés et quelques terminaisons de phrases aigres que l’accompagnement brutal du pianiste souligne. Restent la version des Quatre derniers lieder qu’elle chantera bientôt avec orchestre.
Automnale, son interprétation – tout de même tardive – est très mélancolique. A un « Frühling » encore sûr de lui, succède un « September » au tempo retenu, presque trop extérieur, suivi par un discours marqué par le temps et les épreuves, « Beim Schlafengehen », qui pourrait être refroidissant, mais s’avère finalement chargé d’émotions et sans réelle difficulté instrumentale, abstraction faite de quelques notes serrées. Comme apaisée après avoir choisi la paix avec soi-même et les éléments, pour communiquer enfin sans rancœur avec la Nature au moment du crépuscule (de la vie ?), sa façon de frissonner tout en s’interrogeant sur la mort à la fin du « Im Abendrot » ne laisse pas insensible, même si d’autres avant elle (Schwarzkopf, Della Casa, Lott…) ont su faire vibrer plus subtilement encore les mots d’Eichendorf, qui restent sans réponse.
François Lesueur