Forum Opéra

Brockes Passion

Partager sur :
Partager sur facebook
Partager sur twitter
Partager sur linkedin
Partager sur pinterest
Partager sur whatsapp
Partager sur email
Partager sur print
CD
2 mai 2009
Une passion contagieuse

Note ForumOpera.com

4

Infos sur l’œuvre

Passion pour Soli, Chœur et Orchestre TVWV 5 :1

Détails

Georg Philipp Telemann (1681-1767)

BROCKES-PASSION

« Jésus martyrisé et mourant pour les péchés du monde »
Passion pour Soli, Chœur et Orchestre TVWV 5 :1

Brigitte Christensen, soprano
Lydia Teuscher, soprano
Marie-Claude Chappuis, mezzosoprano
Donat Havar, ténor
Daniel Behle, ténor
Johannes Weisser, baryton

RIAS Kammerchor
Akademie für Alte Musik Berlin
René Jacobs

2 CD Harmonia Mundi

Cela commence comme une Passion de Bach, sans le génie. Des motifs convenus (la scansion du pas sur le chemin de croix ?) créent un climat attendu de contrition. Aucun des miracles mélodiques de Bach ne vient soulager cette ambiance plombée.

Il est vrai que la Brockes-Passion n’est pas composée sur un livret jovial. Jésus martyrisé et mourant pour le péché du monde, publiée en 1712 par Brockes, incarne à un haut degré ce que la littérature allemande pouvait alors produire en fait de vastes fresques baroques pleines d’images complexes et souvent brutales. Aucun passage de ce livret n’échappe à une sorte de grandiloquence ou, pour le dire plus aimablement, d’intensité rhétorique. Et c’est sans doute ce qui valut au texte de Brockes d’être utilisé à de nombreuses reprises par des compositeurs comme Haendel, Mattheson ou Keiser. La première de l’œuvre de Telemann eut lieu en 1719, à Francfort, et l’excellente présentation signée Carsten Lange nous rappelle que cette première rameuta une foule immense en l’église des Carmes déchaux.

Une fois passée une Sinfonia d’entrée sans grande originalité et un début un peu conventionnel, l’œuvre s’échauffe, et nous avec. La formule de la Passion alternant propos de l’Evangéliste et numéros musicaux est certes maintenue, mais avec une variété dans les alternances tout à fait surprenante. Les épisodes se multiplient, on compte trente et un airs, plus des duos, douze chœurs, un quatuor, quatorze récitatifs accompagnés etc. etc. Les personnages abondent. Jésus est la figure majeure, mais Judas n’est pas en reste. La Fille de Sion a la part belle. Profusion, abondance, effusions : la Brockes-Passion est à la musique ce que le livret de Brockes est à la littérature, une œuvre de démesure où s’impose continûment la nécessité de faire voir, de susciter des images, et les plus fortes possibles. 

L’expressivité musicale est portée plus d’une fois à un rare degré d’incandescence. Comme on se frotterait les yeux pour être sûrs de ce que l’on voit, on voudrait se frotter les oreilles : et l’on réécoute, stupéfait, des harmonies inouïes, un usage ahurissant des rythmes, un mimétisme presque dérangeant (les épines, n°72), des chromatismes étourdissants. On songe à Hans Holbein ou Mathias Grunewald, dont les figures tourmentées semblent imprégner cette musique.

Jacobs fait jaillir la lave de cette œuvre hors-norme. L’Akademie für Alte Musik Berlin a rarement sonné avec autant de vigueur sanguine. Curieusement, le chef a choisi des solistes dépourvus de toute capacité d’incarnation. Ce sont des voix légères, presque émaciées, que celle de Birgitte Christensen ou Lydia Teuscher. Les ténors sont fort légers. Et l’excellent Johannes Weisser (le Don Giovanni du même Jacobs) est un baryton très clair. Doit-on en faire reproche à Jacobs ? Il semble au contraire que les options radicales prises face à cette œuvre exigeant un engagement extrême eussent pu verser dans un naturalisme de mauvais aloi si les chanteurs avaient ajouté dans la balance le poids de leurs tripes. Avec des chanteurs plus transparents se produit une sorte d’équilibre d’expression. Non que la musique de Telemann s’en trouve édulcorée : elle évite seulement de tomber dans un vérisme hors de propos. Ces voix légères sont suggestives, franches, mais ne dénaturent pas une œuvre dont les arêtes vives et les éruptions doivent savoir se garder des excès de graisse, de même qu’on ne couvre pas de vermillon une gravure de Dürer.

 
Sylvain Fort

Commentaires

VOUS AIMEZ NOUS LIRE… SOUTENEZ-NOUS

Vous pouvez nous aider à garder un contenu de qualité et à nous développer. Partagez notre site et n’hésitez pas à faire un don.
Quel que soit le montant que vous donnez, nous vous remercions énormément et nous considérons cela comme un réel encouragement à poursuivre notre démarche.
brockes_passion

Note ForumOpera.com

4

❤️❤️❤️❤️❤️ : Exceptionnel
❤️❤️❤️❤️🤍 : Supérieur aux attentes
❤️❤️❤️🤍🤍 : Conforme aux attentes
❤️❤️🤍🤍🤍 : Inférieur aux attentes
❤️🤍🤍🤍🤍 : À oublier

Note des lecteurs

()

Votre note

/5 ( avis)

Aucun vote actuellement

Infos sur l’œuvre

Passion pour Soli, Chœur et Orchestre TVWV 5 :1

Détails

Georg Philipp Telemann (1681-1767)

BROCKES-PASSION

« Jésus martyrisé et mourant pour les péchés du monde »
Passion pour Soli, Chœur et Orchestre TVWV 5 :1

Brigitte Christensen, soprano
Lydia Teuscher, soprano
Marie-Claude Chappuis, mezzosoprano
Donat Havar, ténor
Daniel Behle, ténor
Johannes Weisser, baryton

RIAS Kammerchor
Akademie für Alte Musik Berlin
René Jacobs

2 CD Harmonia Mundi

Nos derniers podcasts

Nos derniers swags

Dans les profondeurs du baroque
CDSWAG

Les dernières interviews

Les derniers dossiers

Zapping

Vous pourriez être intéressé par :

Quand Versailles nous est prématurément conté
Livre