En 2007, le Rossini Opera Festival de Pesaro avait inscrit à son programme une reprise du Turco créé en 2002, sans pouvoir toutefois compter sur une compagnie de chant aussi brillante. C’est malheureusement cette dernière production, du 18 août 2007, que l’on peut retrouver dans un nouveau DVD Naxos reprenant la diffusion sur la Rai. La distribution, intégralement italienne et jeune, ne tient pas la comparaison avec la précédente. Si, dans la salle, le spectacle pouvait sans soute séduire (et notre confrère Antoine Brunetto avait, pour Forum Opera, rendu compte très fidèlement de son plaisir et de ses réserves sur ce spectacle1), en DVD, tout devient plus contestable.
La production, centrée sur un plateau quadrangulaire déjà vu2 posé au milieu de la scène, fait pauvre, de l’entrée du navire du turc aux scènes plus intimistes. La mise en scène conventionnelle a du mal à marquer les mémoires. La direction d’Antonello Allemandi est en revanche plaisante.
Vocalement, le Turc de Marco Vinco, s’il a la prestance et la jeunesse du rôle, surprend par les problèmes techniques qu’il rencontre tout au long de l’œuvre et que l’on n’attendait pas: la voix manque de projection et d’harmoniques, les vocalises sont pesantes et il est loin, très loin, des meilleurs titulaires du rôle y compris parmi les plus récents tels Samuel Ramey ou Michele Pertusi.
Sa Fiorilla ne nous était pas connue. La très jeune Alessandra Marianelli, génération 1986, fournit, quelques années seulement après ses débuts sur scène en 2002, une prestation qui manque singulièrement de relief. Toutes les notes sont là, la musicalité est convenable, mais sa voix plutôt banale réduit Fiorilla à une coquette, très loin là encore de ce que Ciofi faisait du rôle, sans parler de la Devia, la Cuberli ou la Bartoli.
Le Narciso de Filippo Adami, dont la carrière n’a pas vraiment franchi les Alpes jusqu’ici, est bien pâle lui aussi et sa voix aigrillarde frôle régulièrement l’incident. Les autres rôles masculins ne sont pas plus convaincants. Le rôle, difficile sans doute à valoriser, du poète Prosdocimo, est modestement tenu par Bruno Taddia, ancien élève de Paolo Montarsolo, certes à l’aise sur scène mais vocalement peu séduisant. Andrea Concetti, lui aussi élève d’un grand ancien de l’opéra bouffe (Sesto Bruscantini) déçoit en Geronio. Peu crédible physiquement, car il est en réalité beaucoup trop jeune, Concetti ne masque pas des moyens limités et une voix qui n’a pas grand chose d’attrayant.
Malgré une DVDgraphie très limitée (sauf erreur, c’est seulement la troisième version disponible de l’œuvre, avec la production de Zurich, chez Arthaus, avec Cecilia Bartoli et Ruggero Raimondi, et la production de l’opéra de Caen chez Cascade, sous la direction de Laurent Pelissier), cette nouvelle version n’apporte rien et c’est d’autant plus regrettable qu’elle provient de Pesaro même et du festival Rossini. Dommage que certaines captations télé existantes, comme une production de la RAI enregistrée à Cremone en 1997 avec la grande Mariella Devia, Michelle Pertusi, Roberto De Candia et la direction de Riccardo Chailly n’aient jamais séduit une maison d’édition… La version de référence reste à venir.
Jean-Philippe THIELLAY
(1) cf les archives de Forum Opéra
(2) Notamment dans la production de Zurich de 2002 que l’on peut retrouver en DVD