Réunir trois cantates de Bach faisant dialoguer l’âme et le Christ est une belle idée, le faire à Pontaumur pour profiter du bel orgue de François Delumeau, réplique de celui de Bach à Arnstadt, et le faire concerter avec Les Folies en est une autre. On jugera toutefois de la magnificence de timbres de l’instrument seulement dans la longue et splendide ouverture de la cantate 49, l’instrument étant fondu ailleurs à un continuo loquace.
Chacune de ces cantates obéit au même cheminement de l’âme vers son Sauveur, d’abord inquiète, puis appelée avec tendresse et confiante dans son salut, et exprimant la sérénité de l’amour confiant. Alternance de récitatifs et arias, fusion des deux protagonistes parfois exprimée dans un duo, puis choral final en forme d’affirmation de la Foi. Compte tenu des textes, dans la veine du Cantique des Cantiques, il est tentant de faire pencher la spiritualité vers une expression plus théâtrale. C’est cette option que choisit Patrick Cohën-Akenine, évoquant dans la notice la parfaite connaissance qu’avait Bach de l’opéra, même s’il ne l’abordait pas en tant que forme de composition. Il lui faut pour cela s’appuyer sur deux solistes sachant unir l’éloquence et la rhétorique musicale, mais aussi contrôler un pathos dont l’excès briserait la poésie. Salomé Haller s’acquitte admirablement de la tâche : la pureté et la beauté du timbre s’allient à une ferveur frémissante mais parfaitement maîtrisée. En revanche Stephan Mac Leod, sensé incarner le Verbe, pratique par exemple dans la première cantate un contraste exagéré entre sobriété monacale, presque détimbrée, et affect soudain et incongru (« ja, ja, ich kann die Feinde schlagen »), dans un climat général d’élégance de bon ton un peu hors sujet. Les deux voix fusionnent toutefois de façon radieuse dans le duo conclusif de la cantate 49, « Dich hab ich je und je geliebet ». Finalement, la plus belle réussite du disque est l’expression sensuelle et dansante des instrumentistes, même si parfois le continuo tire un peu plus vers la scène que vers l’église.
Sophie Roughol