Alors qu’en 1813, Rossini avait présenté déjà pas moins de quatre opéras – la plupart à Venise, dont la fameuse Italienne à Alger et Tancrède – la Scala de Milan, quelques mois après avoir créé Aureliano in Palmira, parallèlement à une reprise milanaise de Tancrède, commande un opera buffa dont Felice Romani rédige le livret ébouriffant sur la base d’une pièce de Caterino Mazzolà écrite vingt ans auparavant. Ce nouvel opéra viendrait en miroir de l’autre opera buffa vénitien, l’Italienne à Alger. Rossini espère en effet attirer avec le succès de l’un le public vers l’autre. Il élabore pour cela une partition entièrement originale, sans puiser dans ses opus précédent comme l’y obligeait souvent la cadence imposée par les maisons d’opéra (il réutilisera d’ailleurs au moins 2 fois la belle ouverture néanmoins).
Mais hélas, lors de la création il y a tout juste 210 ans, le public de la Scala, qui n’avait déjà pas autant apprécié l’Italienne que les Vénitiens, croit qu’on le gruge avec un recyclage de celle-ci, que n’aide pas vraiment le titre, Le Turc en Italie. La presse milanaise relate ainsi que la première a été perturbée par des sifflets et des accusations de plagiat, de pot-pourri de l’œuvre précédente, d’Italienne inversée. Face à ce traitement de choc, la pièce est retirée de l’affiche au bout de onze représentations. Comme souvent dans les théâtres d’alors, l’échec cuisant du Turc en Italie doit beaucoup à une jolie cabale montée contre Rossini, faisant croire à ceux qui n’écoutaient que distraitement les œuvres données à l’opéra, que Rossini s’était copié lui-même par facilité ou par paresse. Malheureusement, la confusion sera alimentée par les multiples charcutages que subira la partition par la suite et notamment lorsqu’elle arrivera à Paris et qu’on y ajoutera des extraits d’autres opéras, dont l’Italienne… Pendant plus d’un siècle, tout le monde croira que Le Turc en Italie est ainsi une copie de l’Italienne à Alger…
Les choses sont peu à peu rentrées dans l’ordre, mais l’opéra a failli disparaître (aucune représentation sur une scène pendant des décennies), avant de revenir à l’aube des années 50, d’abord au festival de Tanglewood, puis un peu partout et notamment en Italie où Gianandrea Gavazzeni la dirige de Palerme à Milan, entre 1954 et 1955, avec à la Scala Maria Callas en Fiorilla et Nicola Rossi-Lemeni en Sélim. Quelques mois auparavant, il y a donc 70 ans, c’est avec eux (et Nicolai Gedda notamment) qu’il l’enregistre pour la première fois en studio.