Tout naturellement, le San Carlo de Naples voulait à son tour « son » Verdi, après la Fenice de Venise (Ernani), l’Argentina de Rome (I due Foscari) et la Scala de Milan – qui avait déjà eu 5 des 7 opéras composés par Verdi jusqu’au début de 1845. Vincenzo Flaùto, l’intendant du San Carlo, ne laissa pas à Verdi le choix du livret, qui sera construit à partir d’Alzire ou les Américains de Voltaire ; pas plus que celui du librettiste, Salvatore Cammarano, fournisseur de nombreux opéras de Donizetti et que Verdi retrouvera plus tard (La bataille de Legnano, Luisa Miller et Le Trouvère). Or, si Verdi pouvait torturer à volonté son cher Piave pour lui imposer de plier ses vers à sa musique, cela n’allait pas aussi facilement avec Cammarano. Si bien que la partition prit beaucoup de temps au compositeur ronchon, qui finit par l’achever avec mauvaise grâce fin juillet 1845. La création de cette Alzira, le 12 août suivant, fut donc sans surprise un échec, sans cesse confirmé par la suite, en particulier à Rome en novembre. Contrairement à ce qu’il fera plus tard pour Simon Boccanegra, qu’il aimait particulièrement, Verdi ne chercha pas à sauver de cette œuvre, pourtant non dénuée d’intérêt, ce qui pouvait l’être. Il la relégua dans ses placards et on n’en entendit plus parler pendant plus d’un siècle.
C’est un extrait de sa reprise historique à Rome en 1967 que nous proposons ici, dans un son perfectible, avec un orchestre un peu atone, mais qui donne l’occasion plutôt rare, d’entendre dans le rôle titre Virginia Zeani, grande artiste un peu oubliée aujourd’hui mais qu’une récente réédition de ses récitals par Decca remettait heureusement en lumière.