Appelé à diriger la reprise de Lucia di Lammermoor le mois prochain à l’Opéra de Paris, régulièrement en fosse à l’Opéra de Rhin d’où il préside aux destinées de l’Orchestre Philharmonique de Strasbourg, Aziz Shokhakimov retient l’attention du public et de la critique. La preuve en est ce concert à la Philharmonie de Paris, « sold out » comme pour les phalanges star internationales, autour de l’ambitieuse troisième symphonie de Mahler.
Du haut de ses trente-quatre ans, le chef ouzbek impressionne par sa maitrise formelle et la profondeur de sa lecture. Sa gestuelle, certes enthousiaste, n’en oublie pas la précision ; les équilibres au sein de l’orchestre frisent le sans-faute pendant les cent minutes que dure la symphonie. Une symphonie dont il visite chacune des stations avec bonheur : des magmas originels, aux bouffées ironiques, valses tristes jusqu’au cime d’un dernier mouvement peut-être encore trop recueilli.
L’Orchestre philharmonique de Strasbourg n’a pas grand-chose à envier à d’autres formations : les pupitres sont irréprochables. Les cuivres notamment jamais pris en défaut dans une œuvre fleuve qui les sollicite sans répit. Les solistes s’avèrent eux aussi du meilleur niveau. Ils sont nombreux à s’exprimer et l’on retiendra principalement le tromboniste, le cor de postillon et le premier violon.
Côté chant enfin, la soirée se révèle une fête vocale. Les chœurs de femmes et d’enfants de l’Orchestre de Paris déploient la juste lumière dans les extraits des Knaben Wuderhorn. Déjà appréciée par notre critique à la Staatsoper de Berlin où elle est en troupe, la toute jeune Anna Kissjudit part ce soir à la conquête de Paris avec de très beaux arguments. Passé un premier « Ô Mensch » murmuré discrètement, la mezzo trace un sillon clair, égraine sans affectation les premiers vers de Zarathustra avant de trouver tout le soyeux et la lumière nécessaires des envolées des dernières phrases. La voix est ample, la projection exemplaire et le timbre rond et chaleureux sur toute la tessiture. Nul doute que l’on reverra la mezzo hongroise briller sur différentes scènes.