Pour sa première tragédie lyrique, Marin Marais, qui a alors 37 ans, s’associe avec Lully. Mais pas Jean-Baptiste, disparu sept ans plus tôt : c’est le fils ainé du Florentin, Louis, qui s’y colle. On ignore encore aujourd’hui la part de l’un et de l’autre dans la partition, mais c’est le nom de Marin Marais qui y est aujourd’hui le plus associé.
Le livret est commis par un certain Jean Galbert de Campistron, secrétaire du duc de Vendôme, et auteur des derniers livrets pour Lully père. Mais alentour, on le connait davantage pour sa vie agitée que pour ses talents de poète et on ne peut pas dire qu’il se surpasse avec cet Alcide ou le Triomphe d’Hercule dont il aurait emprunté l’argument à une pièce de théâtre contemporaine.
En cinq actes, la tragédie lyrique décrit le quatuor amoureux et malheureux entre Hercule (Alcide), son épouse Déjanire, la princesse Iole, dont Alcide tombe amoureux et Philoctète, que la princesse aime. Comme c’est une tragédie, tout finit mal, sauf pour Philoctète et la princesse qui sont unis par Alcide.
L’œuvre est créée à l’Académie royale de musique voici 330 ans, si l’on en croit le journal du marquis de Dangeau, figure de la Cour de Versailles, et qui écrit à la date du 31 mars qu’on a donné pour la première fois cet opéra, dont la musique est « du petit Lully et de Marais ». La représentation est quelque peu gâtée par l’absence du Dauphin, pourtant annoncée, mais qui est souffrant. Heureusement pour ses auteurs, l’œuvre reste quand même à l’affiche plusieurs semaines, mais elle suscite quelques railleries lorsqu’on l’en retire comme le prouve ce petit quatrain qui circule à Versailles et qui se moque surtout du livret, alors universellement conspué :
« A force de forger, on devient forgeron.
Il n’en est pas ainsi du pauvre Campistron.
Au lieu d’avancer, il recule :
Voyez Hercule ! »
La tragédie sera reprise plusieurs fois sous divers noms avant une longue éclipse, jusqu’à sa renaissance remarquée en 2006, à Versailles, sous la direction de Jérome Correas. En voici un extrait de l’acte III, avec Aurelia Legay en Déjanire et Brigitte Balleys en Thestilis.