Contribution externe
Un très éminent (oui, je sais, c’est un ami, mais c’est en toute objectivité) chroniqueur de Forum Opera m’a mis au défi de prendre la plume pour palier au silence de Forum Opéra sur ce spectacle.
Pourquoi ce silence ?
Trop peu de chroniqueurs, œuvre « pastiche », snobisme mal placé…on ne sait trop ?
Mais quelle erreur de ne pas avoir fait l’effort de passer outre ces préjugés et d’avoir boudé l’entrée à La Monnaie qui n’en est pas à son premier essai de présenter des spectacles différents, qui dérangent, qui obsèdent les critiques avertis ou le public, sans jamais vouloir provoquer, juste pour créer ou innover.
J’y suis allé – moi-même – avec les pieds de plomb et si ce n’avait pas été dans mon abonnement, pas sûr que j’aurais franchi le Rubicon.
Ceci étant dit, je ne vous parlerai pas du respect des partitions originales « remixées » (moi qui ne distingue pas un « ré » d’un « sol » sur une partition), ni de la performance du chef d’orchestre-arrangeur Francesco Lanzillotta (moi qui ne sait pas faire la différence entre un hautbois et une clarinette dans la fosse), ni du concepteur artistique Olivier Fredj qui a cassé la baraque, ni des adapteurs des dialogues Yann Apperry et Olivier Fredj qui ont inventé les rêves et les souvenirs d’Elisabeth Ière du nom pour notre plus grand plaisir et avec beaucoup d’humour et de justesse.
Je ne vous parlerai que de l’émotion ressentie tout au long de ces deux spectacles, que de l’explosion des applaudissements du public (surtout en fin de deuxième partie), que des larmes des spectateurs (votre serviteur, y compris) devant tant de prouesses vocales, tant d’engagements des chanteurs et chanteuses mis à rude épreuve et relevant les défis avec brio.
La liste est trop longue pour les citer tous, je ferai mieux une autre fois ; c’est l’ensemble qu’il faut apprécier pour n’oublier personne, ni épingler les quelques approximations vocales, raccourcis, glissades et autre joyeusetés que l’on rencontre très souvent dans les œuvres du Maître Donizetti.
Suivre le fil de (des) l’histoire (s) n’était pas chose aisée.
Accepter que Henri VIII et Anna viennent encourager leur fille à condamner Maria Stuarda (sans que Gaetano et Elisabeth II se retournent dans leur tombe) ou que deux duos clés se transforment en quatuor (et quelques autres fantasmes) étaient des préalables pour croire à – et apprécier – ce défi de taille.
Une fois tout cela posé, il est déjà temps de mettre fin à ce premier (et probablement dernier…) opus d’un amateur d’opéra de longue date (plus de soixante ans et environ cent-cinquante œuvres au compteur) en disant à ceux qui ne l’ont pas vu que c’est bien dommage mais (et je l’espère vraiment) que l’on pourra peut-être le revoir au programme d’autres salles, dans un futur proche…
On peut toujours rêver, mais cela ne me surprendrait qu’à moitié, vu la qualité du spectacle et l’excellence de la démarche.
En conclusion, je me réjouis de voir comment La Monnaie va remettre le couvert pour les deux pastiches Verdiens de la saison prochaine. Une chose est sûre, je ne les raterais sous aucun prétexte.
José Creuen