Chaque nuit, Dorvil rejoint Giulia, à laquelle il est secrètement marié, dans sa chambre par une échelle de soie. Sur un argument imité du Mariage secret de Cimarosa, Rossini à l’âge de 20 ans fourbit ses premières armes. La scala di seta appartient à la série des cinq farces composées entre 1810 et 1813 pour le Teatro San Moisè à Venise. Des œuvres faciles à monter car courtes – un acte seulement – et économiques – peu de décors, pas de chœur –, idéales pour accompagner la formation des artistes en résidence à l’Opéra national de Paris. Si Rossini n’avait ses exigences… Que le Festival de Pesaro se soit doté d’une académie destinée à exercer les jeunes chanteurs au style rossinien ne relève pas d’un concours de circonstances.
Des deux distributions en alternance sur la scène de l’Athénée jusqu’au 6 mai, la première consacre l’excellent Germano de Yiorgio Ioannou. Le baryton chypriote maîtrise à merveille la volubilité bouffe, l’art de débiter des notes en rafale avec une netteté appréciable, une clarté d’émission et un sens de la comédie essentiel à ce rôle de Zanni (le valet stupide de la Commedia dell’Arte). En Dorvil, le ténor britannique Laurence Kilsby démontre aussi des affinités rossiniennes à consolider, ou non selon l’orientation qu’il souhaite donner à sa carrière. La couleur, l’agilité, l’imagination dans les variations, l’aisance dans le suraigu (moins dans l’aigu) révèlent le contraltino tel qu’associé à la musique de Rossini. Forts d’un engagement à toute épreuve (y compris du ridicule) et une indéniable santé vocale, les autres larrons de la farce – Margarita Polonskaya (Giulia), Alejandro Baliñas Vieites (Blanzac), Marina Chagnon (Lucilla) – trouveront matière à s’épanouir dans des répertoires moins belcantistes.
Est-ce l’adaptation de la partition à un effectif instrumental réduit ou la direction trop appliquée d’Elizabeth Askren ? Pour un peu, Rossini nous paraîtrait avoir usurpé sa réputation d’amuseur et son surnom de Tedeschino (« le petit allemand » en référence à la primauté accordée à l’orchestre par les compositeurs germaniques).
Deux pans de décors mobiles percés de multiples portes et un lit transformable offrent à Pascal Neyron un cadre de scène idéal pour tirer les ficelles de la farce. Nécessaires à la caractérisation, perruques choucroutesques et costumes bibendumesques ajoutent au comique des situations. A défaut de style, la bonne humeur reste de mise.