C’est une production à grande échelle, programmée à Rennes, puis Angers et Nantes, retransmise en direct (le 15 juin) dans près de 50 villes de Bretagne et des Pays de la Loire, ainsi que sur les TV locales et sur le site Internet de France 3. Les décors et les costumes – nombreux – ont été réalisés in loco. L’œuvre choisie – L’elisir d’amore – est de celles qui s’adressent à un large public, quitte à favoriser sa dimension visuelle au détriment de son génome belcantiste.
Des deux distributions en alternance, les chanteurs de la première sont des artistes accomplis, en osmose théâtrale avec leur personnage, mais la maîtrise du style propre à ce répertoire n’est pas leur principal atout, Giorgio Caoduro excepté. Celui qu’un album rossinien en 2021 a consacré « virtuoso baritone » n’a aucun mal à se plier aux contraintes véloces du chant syllabique. Dulcamara exige ce débit rapide indissociable de l’idée que l’on se fait du bonimenteur. Moins évidente bien qu’également nécessaire, la musicalité transparaît davantage en 2e partie, une fois la voix échauffée. En Adina, Perrine Madoeuf aurait de quoi faire chavirer les cœurs et tourner les têtes si l’émission constamment en force ne nuisait à l’expression. Les variations brillantes ajoutées à la cabalette au 2e acte rendent encore plus regrettables l’absence de nuances. Marc Scoffoni est un Belcore sympathique mais raide, le timbre dépourvu de la suavité supposée d’un séducteur. Admirable dans d’autres répertoires, Mathias Vidal ne peut offrir à Nemorino ce qu’il n’a pas : les couleurs, le legato, la morbidezza, l’idiomatisme tout ce que l’on désigne souvent par le terme d’italianité et que le ténor compense par une énergie à toute épreuve comme s’il était monté sur ressort. Dans le même ordre d’interprétation, Marie-Bénédicte Souquet fait pétiller Gianetta à la manière d’un Vouvray vif plus que d’un Prosecco frizzante.
En dépit de ces réserves stylistiques, le spectacle tourne à plein régime, emporté par la direction alerte de Chloé Dufresne, à laquelle l’Orchestre national de Bretagne et le chœur de chambre Mélisme(s) apportent leur indéfectible soutien sonore – mention à l’éclat de la banda invitée dans le kiosque sur scène au deuxième acte.
David Lescot a déplacé l’action dans une ferme de gitans, prétexte à bariolage et débauche de festivités. Il n’y a pas loin d’Adina à Carmen. Traité comme un benêt, Nemorino doit affronter le regard sarcastique de la communauté villageoise. De la mise en scène se remarque cependant moins l’idée de harcèlement, revendiquée dans la note d’intention, que l’attention portée au mouvement et la volonté d’intégrer les artistes du chœur à la narration scénique en une réjouissante démonstration de théâtre.
Timides pendant le spectacle, les applaudissements se font enthousiastes au tomber de rideau, heureux présage pour les représentations à venir.