En couverture du programme de salle, figure le magnifique tableau « Judith décapitant Holopherne » de la peintre Artemisia Gentileschi, conservé au Musée de Capodimonte à Naples et actuellement au Louvre pour quelques semaines. C’est en effet l’un des chefs-d’œuvre qu’il est possible d’admirer dans le cadre de l’exposition « Naples à Paris ».
Dans le cadre de ces festivités, l’Auditorium du Musée présente ce soir la Giuditta d’Alessandro Scarlatti, dans sa version à cinq personnages, déjà donnée en août 2022 au Festival de la Chaise-Dieu par les mêmes interprètes. On doit probablement le texte de cet oratorio au cardinal Benedetto Pamphili, protecteur des arts, et également librettiste du célèbre Il Trionfo del Tempo e del Disinganno de Haendel. Le récit biblique de Judith sauvant sa ville assiégée par Holopherne, a été de nombreuses fois mis en musique, à commencer par Mozart (La Betulia liberata) ou Vivaldi (Juditha triumphans). La version de Scarlatti, probablement créée en 1693 à Rome, en est l’un des plus beaux exemples, dont se détache par exemple l’impressionnant récitatif et duo entre Judith et Holopherne (« Mio conforto / Mia speranza ») en deuxième partie.
La jeune troupe de l’Académie de l’Opéra national de Paris fait une belle impression d’ensemble, même si aucune des incarnations n’est aussi marquante qu’on pourrait le souhaiter. Dans le rôle-titre, Marine Chagnon excelle dans la déclamation et la virtuosité, notamment dans son aria d’entrée « Trombe guerrier ». La mezzo est en revanche un peu trop réservée dans la scène du meurtre d’Holopherne. Ce dernier est incarné par Fernando Escalona, scéniquement fascinant et percutant, à l’image de son Nerone il y a quelques mois au Théâtre de l’Athénée. Vocalement, le contre-ténor est quelque peu gêné par la tessiture plutôt grave du rôle, qui le met parfois en difficulté. En Prince Ozia, la soprano Margarita Polonskaya livre une belle incarnation, même si la voix semble déjà presque trop mûre pour ce répertoire. Son aria « Addio, cara libertà », magnifié par de très beaux aigus, n’en reste pas moins le plus beau moment musical de cette soirée. Le ténor Kiup Lee, au timbre subtil et à la belle musicalité, et la basse Adrien Mathonat, à la voix large et aisée dans la grave, complètent cette distribution toujours investie.
De son violon, Thibault Noally mène l’ensemble avec brio. Du violoncelle d’Elisa Joglar, à la viole de gambe d’Anne Garance Fabre dit Garrus, au clavecin de Camille Delaforge, le continuo déborde de vitalité et d’inventivité, habitant les récitatifs. Les instrumentistes de l’ensemble Les Accents brillent quant à eux dans les soli et apportent les contrastes et la tension dramatique qui font parfois défaut à l’équipe vocale. Thibault Noally confirme avec cette Giuditta son rôle d’inlassable découvreur de la musique d’Alessandro Scarlatti. On annonce pour la saison prochaine un Mitridate Eupatore avec rien moins que Julia Lezhneva, Paul-Antoine Bénos-Dijan et Vivica Genaux. Vivement !