Jonathan Tetelman est certainement l’un des phénomènes de la jeune scène lyrique. Une étoile à suivre. Alors que sa courte carrière l’a déjà mené au Royal Opera House de Londres, au Semperoper de Dresde ou au Liceu de Barcelone, il s’apprête à faire ses débuts au Metropolitan dans le rôle de Pinkerton (Madama Butterfly). Rompu à l’exercice scénique, il n’abandonne pas la théâtralité en récital mais ne sacrifie jamais la qualité de l’interprétation. Et si on peut avoir l’impression qu’il en fait parfois un peu trop – quitte à frôler le kitsch et le mauvais goût dans le choix des bis – c’est peut-être simplement parce qu’il a tout d’un vrai ténor : c’est un séducteur en puissance.
© Toti Ferrer
Les « Tre sonetti di Petrarca » de Liszt révèlent d’emblée un grand musicien, en parfaite symbiose avec son pianiste, Daniel Heide, dans des pièces difficiles. La projection est impeccable, parfois un peu nasale sans que cela ne soit dérangeant. Le phrasé se déploie magnifiquement sur l’intégralité d’une palette de nuances parfaitement maîtrisées. Les transitions sont subtiles et fluides et le placement de la voix très homogène malgré une partition pleine de contrastes. Les aigus sont ouverts et bien accrochés, tandis que le médium et le grave sont pleins et nourris, révélant certainement des possibilités dans un répertoire de baryton. On regrette de trop nombreux ports de voix qui, s’ils sembleront pertinents dans l’air de Macduff, n’apportent rien chez Liszt. D’une manière générale, la tension entre puissance vocale et acoustique du lieu n’est pas toujours maîtrisée, le ténor cédant à la tentation d’une démonstration de virtuosité certes impressionnante, mais peut-être pas pertinente dans une église de taille moyenne.
© Toti Ferrer
Dans la seconde partie du récital, consacrée à Tosti, De Curtis et Sorozábal, Tetelman achève de nous convaincre qu’il peut verser dans la plus extrême douceur et que les ports que nous trouvions intempestifs en première partie peuvent être parfaitement maîtrisés. Il profitera des rappels pour explorer un tout autre répertoire, révélant un certain goût pour le show et n’hésitant pas à faire participer une salle déjà conquise : « Dein ist mein ganzes Herz » (Le Pays du sourire, version allemande), « Nessun dorma » (dans une interprétation un rien trop pathétique) et l’irrésistible « Funiculì funiculà ».