En quatre jours et onze concerts à applaudir dans une dizaine d’églises et de théâtres, le festival de Sablé irrigue le territoire d’ondes baroques depuis quarante-cinq ans avec des programmes ludiques ou exigeants comme ce Light and shadow où l’ensemble vocal Vox Luminis propose un parcours sensible dans le répertoire britannique méconnu du XVIe et du début du XVIIe siècle.
Le programme de Lionel Meunier est remarquablement construit en trois parties distinctes, toutes en clair-obscur.
La première est consacrée à la lumière et à une foi confiante, chantée exclusivement en latin avec le « Videte miraculum » de Thomas Tallis où s’expriment les couleurs rondes et chaudes de l’ensemble, la clarté de la ligne vocale et des mélismes jamais affectés. « In manus tuas » de John Sheppard permet d’étirer le son et les harmonies dans une polyphonie raffinée toute en tendresse et délicatesse dans la reprise. Le texte sacré est porté toujours avec grand respect, avec une intériorité qui n’est pourtant jamais sèche, comme dans le « Christe qui lux es et dies » de Robert White.
Suit un second moment chanté en anglais – où les finales sont moins précises et les accents moins uniformes – mais où l’équilibre des pupitres reste idéal bien que la formation rassemble dix hommes pour quatre femmes. La pâte sonore est raffinée, délicate. Appel poignant dans « How are the mighty fall’n » de Robert Ramsey se chargeant de tendresse dans « O Jonathan, woe is me » de Thomas Weelkes, c’est cette fois la détresse face à la perte d’un être cher qui est évoquée.
L’ultime partie du concert nous ramène à l’espoir d’un au-delà dans une alternance d’extraits en latin et en anglais. Les voix se répondent avec souplesse dans « Hear the voice and prayer » de Thomas Tallis, un apaisement ébloui irrigue le sublime « In pace » de John Sheppard.
Alternant les formations, passant parfois du couplet alternant soliste et tutti ( « Christe qui lux es et dies » de John Sheppard) ; d’un quintette au tutti, s’installant au fond du chœur ou sur scène à la croisée des transepts, face au public, ou face les uns aux autres en un ou deux cercles, les chanteurs modifient subtilement l’écoute et jouent avec l’excellente acoustique de la Basilique Notre-Dame du Chêne. Ils laissent même l’avant de l’église vide en déambulant autour de la nef et des spectateurs pour le premier anthem des funeral Sentences de Thomas Morley. Le chœur ainsi se trouve vide de toute présence vivante et laisse place à l’espérance en la résurrection, illustrant précisément le texte du motet. L’image est aussi simple que juste, sans ostentation, et résume parfaitement l’esprit de ce moment musical profondément recueilli d’une prégnante spiritualité.
Un programme à réentendre le 23 septembre prochain à Spa en Belgique, ou le lendemain à la Fondation Royaumont.