Quelle bonne idée que d’avoir programmé cette IXe de Beethoven pour ouvrir la saison musicale dijonnaise (1) ! D’autant plus que cette initiative avait été précédée de nombreuses actions visant à toucher tous les publics, à permettre aux auditeurs volontaires de participer au bis par l’apprentissage (2) de « An die Freude ». C’était aussi l’occasion d’associer, pour la première fois, les musiciens de l’Orchestre philharmonique d’Etat de Rhénanie-Palatinat à ceux de l’Orchestre Dijon Bourgogne. Tout semblait donc réuni pour une généreuse communion du plus grand nombre, particulièrement autour du message que délivre le dernier mouvement. Toutes les places du vaste auditorium avaient été prises d’assaut…
Las, la partition est aussi exigeante que généreuse. Dès le premier mouvement, il est clair que les cordes, surabondantes, occultent les bois, dont le lyrisme est étouffé. Le placement des pupitres surprend : quel intérêt y a-t-il à isoler les violoncelles des contrebasses ? Pour le finale, pourquoi reléguer les solistes derrière l’orchestre, devant le chœur ? Les déséquilibres seront persistants. Jamais ça ne chante. La direction de Joseph Bastian semble exclusivement préoccupée par le tempo, les nuances et accents. La pâte est compacte, sans respiration ni subtilité. Amalgame difficile des deux formations ? Insuffisance de services ? C’est en place, c’est tout. La scansion métrique du molto vivace, incisif, masque la richesse de l’écriture, réduite à des progressions et des accents. Le trio, où les bois sont au premier plan, est fébrile, terne, alors que l’on attendait les couleurs comme l’articulation. Le long silence, observé après le presto de la coda, permet aux solistes et aux choristes de prendre place.
Seul moment fugace de bonheur : la lumière de l’Adagio molto e cantabile. Enfin, un peu de souplesse, les cordes chantent, même si les plans ne sont pas clairement dessinés, rendant illisible l’architecture. On a le plus souvent souligné les qualités du Chœur de l’Opéra de Dijon. Ce soir il déçoit : son effectif n’équilibre pas celui de l’orchestre, surdimensionné. Il peine à l’ouvrage, les hommes tout particulièrement, le nez dans leur partition, d’autant que le chef semble indifférent au chant. Seules les voix féminines se sortent honorablement de l’épreuve. Les solistes jamais ne déméritent, et c’est là, malgré un placement défavorable, une heureuse surprise que nous réserve le quatuor réuni pour la circonstance : le baryton Derrick Ballard, réussit toute la partie introductive du finale, essentielle, voix bien timbrée, ligne soutenue, et phrasés exemplaires. Le ténor, Léo Vermot Desroches nous était connu. Lauréat du Concours de Froville, il s’était particulièrement affirmé dans le répertoire baroque, et – malgré un Truffaldino remarquable, écouté à Nancy – on appréhendait cette épreuve, exigeant projection et puissance. Son intervention (l’allegro martial, avec la petite harmonie, qui va s’élargir aux cordes et au chœur) impressionne, claire, intelligible. Avec un aigu insolent, la soprano Solen Mainguené, prometteuse lauréate du Concours de Clermont-Ferrand, sort brillamment de cette partie à l’écriture extrêmement tendue. Nous découvrons l’alto Anke Vondung dont l’émission est sûre, saine, au timbre chaleureux. Leur ensemble, équilibré et solide, n’appelle que des éloges.
Le message que délivre le dernier mouvement a-t-il été pour autant compris, transmis, partagé ? Les applaudissements sont nourris, sans plus, et la participation du public à la reprise attendue de « An die Freude » est pour le moins timorée. Une occasion manquée (3).
(1) D’autant qu’elle commémore le 65ème anniversaire du jumelage Dijon-Mayence et le 60ème du Traité de l’Elysée. (2) La partition retenait opportunément les parties de soprane et de basse correspondant aux mesures 543 et suivantes du dernier mouvement. (3) On se souvient, non sans émotion, avoir écouté ici même (nov. 2014) la Fantaisie opus 80, confiée à Leonardo García Alarcón, avec le RIAS Kammerchor et le Freiburger Barockorchester. Le jour et la nuit…