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WAGNER, Das Rheingold – Bruxelles

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Spectacle
4 novembre 2023
De l’or à mille facettes

Note ForumOpera.com

4

Infos sur l’œuvre

Opéra en un acte et quatre scènes, prologue du cycle Der Ring des Nibelungen

Musique et livret de Richard Wagner

Création le 22 septembre 1869 à Munich

Détails

Mise en scène, décors, costumes et éclairages
Romeo Castellucci

 

Wotan
Gábor Bretz

Donner
Andrew Foster-Williams

Froh
Julian Hubbard

Loge
Nicky Spence

Fricka
Marie-Nicole Lemieux

Freia
Anett Fritsch

Erda
Nora Gubisch

Alberich
Scott Hendricks

Mime
Peter Hoare

Fasolt
Ante Jerkunica

Fafner
Wilhelm Schwinghammer

Woglinde
Eleonore Marguerre

Wellgunde
Jelena Kordić

Flosshilde
Christel Loetzsch

 

Orchestre symphonique de La Monnaie

Direction musicale
Alain Altinoglu

Co-production avec le Gran Teatro Del Liceu (Barcelone)

 

Bruxelles (La Monnaie), vendredi 3 novembre 2023, 19h30

 

C’est une nouvelle production attendue à La Monnaie que ce Rheingold, qui signe à la fois le retour de la Tétralogie à Bruxelles, plus de trente ans après celle de Wernicke (on était encore sous l’ère Mortier) et le premier Ring pour le chef Altinoglu comme pour le metteur en scène Castellucci. Ce Ring est présenté sur deux saisons, Die Walküre suivra en janvier-février 2024. Comme pour toute nouvelle production d’un Ring, il n’est pas aisé de juger l’entièreté du propos du metteur en scène tant, à ce stade (le Prologue), beaucoup de questions sont posées, qui recevront, ou pas, des réponses dans les épisodes suivants.

Beaucoup de questions posées car la vision est foisonnante, et esthétiquement réussie. Mais comme elle s’éloigne sensiblement d’une lecture littérale du livret, elle contraint le spectateur à déchiffrer au fil de l’eau les partis pris qui jalonnent généreusement les deux heures quarante de spectacle. Le spectateur, même zélé, n’y parviendra pas toujours, mais qu’à cela ne tienne : il en aura assez à se mettre sous la dent, pour donner sens à ce que Romeo Castellucci a souhaité livrer de ce Rheingold. Le « ring » du Nibelung, l’anneau d’Alberich donc, nous est montré sous plusieurs apparences : avant même le prologue orchestral, un immense anneau métallique, descendu des cintres, tourne comme une toupie et se pose par terre. Cet anneau est le même qui symbolisera l’or du Rhin que les Nibelungen forgent sous terre ; c’est aussi lui, plus petit, qu’enfilera Alberich comme heaume d’invisibilité. Cette même forme circulaire, toute dorée, apparaîtra à la scène 4 sur le mur du fond pour marquer la rançon de la libération de Freia. En tombant ensuite à terre, ce disque doré creusera un fossé de même forme, dans lequel tous les protagonistes, à l’exception de Loge qui a le dernier mot, tomberont, en guise de montée vers le Walhalla ! Position du metteur en scène signifiante ; le Walhalla, ici, n’apparaît pas pour ce qu’il devrait être, le séjour éminent de repos et de félicité des dieux et des vaillants. Dans les tréfonds de la terre, il figure en quelque sorte la malédiction proférée par Alberich : non seulement celle-ci touchera Wotan, mais aussi tous les siens et donc leur lieu de séjour. Du reste, le château est entièrement factice, monté puis démonté de toute pièce par des ouvriers encasqués parachevant des travaux qui, comme certains grands chantiers pharaoniques que l’on a connus, ont réclamé un lourd tribut en vies humaines : belle image d’une marée de corps humains couvrant toute la scène, succombant ou ayant succombé sous le labeur ; Wotan et Fricka eux-mêmes littéralement déstabilisés par cette orgie de corps en perdition sur lesquels ils essaient de se mouvoir.

                     ©  Monika Rittershaus

La position de faiblesse de Wotan, qui devrait apparaître davantage encore dans les deux opus suivants, est clairement affichée ; on le voit d’un bout à l’autre dépendant, sous la coupe de Loge, qui se joue de lui comme un prestidigitateur de son public – Loge éclabousse le portrait de Wotan d’un jet d’encre et c’est toute la tenue de celui-ci qui est maculée jusqu’à la fin. La riche idée de montrer Wotan et Fricka à trois âges charnières (adolescents, adultes et vieillards), confirme le spectateur que faible il a toujours été et faible il sera jusqu’à la mort.

Castellucci, comme à son habitude, dirige ses personnages comme un chorégraphe ses danseurs ; la scène 1 est particulièrement réussie : les trois filles du Rhin, doublée de trois danseuses, toutes d’or vêtues et comme flottant au-dessus de la surface de l’eau, offrent un pendant magnifique à Alberich, entravé par une corde et attaché à une poutre qui symbolise son incapacité à se mouvoir, donc à se reprendre, à se défaire de sa nature. Quand enfin il quitte son masque hideux pour se révéler tel qu’il est, il apparaît alors nu comme un ver, tel Job se recroquevillant sur son malheur.
Il y aurait tant d’autres détails à remarquer, comme les deux géants Fafner et Fasolt, jumeaux parfaits, incarnant ce mal à double face : quand l’un chante, l’autre fait mine de chanter : tous deux maîtrisent par la queue deux crocodiles suspendus verticalement (leur double animal ?) : c’est sous le poids d’un crocodile (le poids de sa propre faute ?) que Fasolt expirera.

© Monika Rittershaus

La production musicale est de grande qualité avec, c’est notable, quatre prises de rôle majeurs. Alain Altinoglu réalise son rêve de diriger un Ring complet, et qui plus est, dans sa maison. La complicité avec les musiciens est palpable et remarquable nous semble l’aisance et la simplicité dans l’enchaînement des scènes et des ambiances. L’orchestre répond présent et donne tout ce qu’il faut de tension pour lancer ce Ring sur le juste tempo.
Le Wotan de Gábor Bretz est une des énigmes potentielles de ce Ring ; il est parfait en « jeune » Wotan : la projection est satisfaisante, la diction de qualité, et la voix naturellement jeune. Cela convient. Qu’en sera-t-il maintenant dans les épisodes deux ou trois qui, rappelons-le, sont censés nous projeter sur plusieurs dizaines d’années. Ce seront en effet les mêmes chanteurs que l’on retrouvera dans les mêmes rôles. Marie-Nicole Lemieux obtient ici son premier rôle wagnérien d’envergure. C’est une réussite évidente ; nous ne sommes pas habitués à voir une Fricka amoureuse, presque sensuelle. La voix est chaleureuse, onctueuse. Là aussi, nous sommes curieux de connaître sa Fricka de Walküre, à la tenue ordinairement bien plus sévère. Une mention toute particulière à l’Alberich de Scott Hendricks : non seulement il s’acquitte parfaitement de toutes les contraintes imposées par la mise en scène, mais il a dans la voix des couleurs maléfiques et en même temps profondément humaines. Loge est tout aussi remarquable : Nicky Spence, facétieux à souhait, au ténor limpide. La prononciation de l’allemand fait quelquefois défaut, mais la prestation d’ensemble est de très haute tenue. Anett Fritsch (Freia) et Nora Gubisch (Erda) avec son splendide timbre ombré, Eleonore Marguerre, Jelena Kordic et Christel Loetzsch (les trois filles du Rhin), complètent magnifiquement le plateau féminin. Chez les hommes, là aussi rien à redire. Les dieux Donner (Andrew Foster-Williams) et Froh (Julian Hubbard) sont à l’unisson, Peter Hoare en Mime nous donne envie de l’entendre dans Siegfried, quant aux « jumeaux » Fasolt (Ante Jerkunica) et Fafner (Wilhelm Schwinghammer ), ils forment un duo maléfique très soudé.

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Musique et livret de Richard Wagner

Création le 22 septembre 1869 à Munich

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Mise en scène, décors, costumes et éclairages
Romeo Castellucci

 

Wotan
Gábor Bretz

Donner
Andrew Foster-Williams

Froh
Julian Hubbard

Loge
Nicky Spence

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